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30 mai 2013 4 30 /05 /mai /2013 09:30

...TROISIEME PARTIE : de la Sicile à la Grèce. (Eté 2007 suite)

 

  Corfou, mer Ionnienne

 

Dimanche 5 août

 

Petriti, dans le sud de l’île de Corfou. Nous sommes arrivés ce matin dans ce petit port que nous ne connaissions pas encore. Nous avons repris notre navigation après avoir raccompagné Viviane à l’aéroport très tôt ce matin. Nous sommes un peu perdu aujourd’hui sans sa présence à bord et ces dix jours passés ensemble auront été des plus agréables.

Cap au sud ! Petriti est le dernier mouillage de la côte est de Corfou et si ce n’était cette  houle désagréable qui nous ballotte en tous sens, nous apprécierions sans doute à sa juste valeur la beauté des lieux ! Nous retrouvons ici une ambiance de port de pêche et même si les chalutiers sont modestes, ils sont présents et ce sont les premiers que nous rencontrons en Grèce. Jusqu’à présent, nous nous posions des questions sur la provenance des poissons sur les étals du marché de Corfou… 

Demain nous espérons quitter l’île et gagner la côte hellénique si le vent de nord ouest veut bien se calmer un peu. Du force huit est attendu dans la soirée et malgré la bonne protection que nous offre ce mouillage, nous avons enfourché une seconde ancre par précaution…  

 

Mardi 7 août

 

Retour aux îles ! Nous ne pouvons pas nous en passer. Après une escale d’une journée à Mourtos, sur la côte grecque, nous avons remis le cap à l’ouest en directions de Paxos. Cette île au sud de Corfou est évidemment très touristique, mais il y a de bonnes raisons à cela. Nous avons mouillés dans la baie de Lakka au nord de l’île après une navigation au près serré, allure que nous avions oublié depuis que nous naviguons dans les eaux grecques. Il y a pas mal de bateaux à l’ancre et beaucoup ont choisi de porter une amarre à terre afin de parer aux évitages anarchiques, source de problèmes très fréquents dans ce genre de situation. Nous avons donc procédé de la même manière ce qui devrait nous garantir une nuit sereine. D’ailleurs, hier à Mourtos, nous avions déjà expérimenté ce procédé tant les places au mouillage étaient serrées. Le petit port étant bondé, chacun venait jeter son ancre dans l’étroit chenal entre la côte et les îlots de Sivota. Un endroit charmant où les gens sont particulièrement sympathiques. Ainsi la bouchère du coin qui nous fit cadeau sans raison apparente et à deux reprises, de saucisses locales et de deux côtes d’agneau ! Les grecques ne sont pas aussi spontanés que les siciliens, mais nous avons pu à plusieurs reprises apprécier leur gentillesse. Dimanche matin, en rentrant de l’aéroport, un boulanger à qui nous achetions notre pain nous offrit deux pains aux raisins tout justes sortis du four…

Pour l’heure, nous sommes paisiblement installés à Lakka où le soleil couchant illumine le fond de la baie, le petit port et les maisons qui l’entourent. Il est temps pour moi de m’occuper du barbecue et de ces fameuses côtes d’agneau pendant que Brigitte nous prépare notre apéritif quotidien. 

 

Vendredi 10 août

 

Mongonisi dans le sud de Paxos. Il est vingt trois heures et le mouillage est bercé par la musique folklorique en provenance du restaurant, le seul et unique du coin. Dire que l’endroit est touristique est un euphémisme ! Mais comme à Lakka, cette baie où nous sommes ancrés est superbe. Une longue indentation d’eaux turquoise s’enfonçant dans les terres, entre plages de sable fin et rochers. Du maquis tout autour et pour seule construction, le restaurant, noyé dans les oliviers… Nous sommes une trentaine de bateaux au mouillage, mais comparativement à hier, nous avons l’impression d’être seul ! Ah ! Hier…Gaios, « capitale de Paxos ». Le petit Saint Trop du coin. L’incontournable rendez vous des plus beaux yachts de la région. La bourgade a gardé son charme, mais difficile au mois d’août de trouver une place le long du quai. En fait, le port se prolonge tout le long du chenal tortueux qui sépare la côte de l’îlot Nikolaos sur près d’un kilomètre. Pas un mètre de ce long quai n’était disponible. Nous avons mouillés dans le chenal, en portant une amarre à terre sur la rive gauche, comme la plupart des plaisanciers de passage. Si la protection était parfaite, elle ne nous mettait pas cependant à l’abri de l’agitation nocturne des nombreux bars et tavernes de Gaios !!!   

 

Lundi 13 août

 

Nous venons de quitter Parga, petite citée balnéaire au nord de Preveza où nous sommes restés deux jours. Et dire que la plupart des plaisanciers boude l’endroit ! C’est absolument magnifique. La ville et ses ruelles est perchée sur un piton rocheux qui forme une presqu’île avec de chaque côté, une baie abritée dont une est encerclée de rochers ne ménageant qu’un étroit passage pour y accéder. Nous avons passés la dernière nuit mouillés au pied d’un de ces îlots, dominés par une très belle chapelle orthodoxe d’un blanc immaculé et noyée au milieu des pins maritimes. Cette partie de la côte grecque est luxuriante car de nombreuses sources jaillissent alentours. Les ruines d’un château vénitien trônent au sommet de la citée. Ajoutez à ça des eaux cristallines sur fond de sable blanc et le tableau est parfait ! Ah oui, une précision tout de même, nous étions seuls dans ce fabuleux paradis…Chers navigateurs, continuez à passer votre chemin en laissant cette côte à ceux qui comme nous, aiment à sortir des sentiers battus !

 

Mardi 14 août

 

Ce matin, nous étions partis pour une navigation de vingt cinq milles afin de rallier  Préveza, port d’entrée dans le golfe d’Amvrakia, petite mer intérieure sur la côte grecque. Notre guide nautique nous indiquait une escale possible sur notre route et notre objectif était de nous y arrêter pour la pose déjeuner. A l’heure où j’écris ces lignes, vingt et une heures, nous y sommes toujours ! Imaginez une crique aux eaux turquoise etc…Nous commençons sérieusement à envisager notre hivernage en mer Ionienne tant il nous reste à découvrir. Chaque escale est un enchantement et il nous est impossible d’en exclure une seule. Alors évidemment, à ce rythme là, on n’est pas rendus…Mais rien ne nous oblige à avancer plus vite! Lorsque l’on regarde la carte marine et les nombreuses îles, la multitude de baies bien abritées et la quantité de petits ports adorables, difficile de faire un choix. De plus, toute cette partie de la côte est complètement délaissée par les plaisanciers et se retrouver presque seuls au mouillage la veille d’un quinze août ! Je veux bien traîner encore un peu par ici…       

 

Jeudi 16 août

 

Le golfe d’Amvrakia ! Nous y sommes tout de même arrivés après une navigation presque exclusivement à la voile. D’ailleurs, depuis que nous sommes en Grèce, le moteur n’est que très rarement sollicité et les vents de nord ouest nous poussent gentiment en direction du sud.

Nous avons pénétré dans ce fameux golfe hier après midi par la passe étroite qui le relie à la mer. L’occasion de retrouver les sensations rencontrées lors du passage du détroit de messine, en plus tranquille, mais le courant contraire au vent provoquait des remous semblables. La ville de Préveza à l’entrée du golfe est très agréable et les nombreux commerces nous permettent de refaire un avitaillement complet. Les prix sont très intéressants notamment en ce qui concerne la viande et le poisson. D’ailleurs, en dehors du petit noir au comptoir, les prix en Grèce sont plutôt inférieurs à l’Italie et à la France.

Nous avons jeté l’ancre au fond de la baie, à quelques centaines de mètres de la ville, et malgré les festivités du 15 août, la nuit fût sereine.

Aujourd’hui, nous avons mis le cap au nord, en direction de Louros où, à l’embouchure d’une rivière, nous espérons voire des tortues. Pour l’instant, Casalibus est mouillé dans une baie très campagnarde où les chèvres sont les seules occupantes de la plage. Elles sont si nombreuses que l’odeur pourrait nous faire penser qu’il y en a une à bord ! Cela dit, nous nous retrouvons encore une fois seuls au monde…à part les chèvres !              

 

Vendredi 17 août

 

Mouillage sauvage au programme pour ce soir ! Quand je dis sauvage, il s’agit de nature sauvage…Cette embouchure de rivière nous l’avons enfin trouvée, en longeant la côte avec l’œil sur le sondeur, une brise légère gonflant le génois et nous poussant doucement en direction du nord est. Le problème à l’approche d’un estuaire, ce sont souvent les bancs de sable qui se font et se défont en fonction des saisons. Lorsque nous avons repéré la rivière avec les jumelles, nous apercevons un voilier au mouillage. Il s’agit d’un trimaran pouvant naviguer dans cinquante centimètres de profondeur. Nous, nous ne pouvons pas nous en approcher à cause des hauts fonds. Les pélicans et les mouettes eux, sont bien au rendez- vous et nous ne voulons pas renoncer avant d’avoir essayé toutes les approches possibles. La solution la plus évidente est de progresser dans l’axe du cours d’eau, car le courant de celui-ci doit évacuer de lui même ses propres alluvions. Logique et efficace ! Nous mouillons à cent mètres du bord, en eaux presque douces…par trois mètres de fond. L’endroit a un petit air de Camargue et les espèces d’oiseaux sont nombreuses. Les poissons aussi. Quand aux tortues, elles se font très discrètes. Nous en avons repérées deux quand même, mais trop loin pour en profiter vraiment.    

Nous partons à la découverte des lieux en annexe et remontons la rivière au milieu des roseaux et des joncs. Quelques barques de pêche se dissimulent le long des berges. On pourrait se croire en Amazonie ou en Afrique. Un crocodile surgirait devant l’annexe que nous ne serions pas plus étonnés que ça ! Soudain, Brigitte sursaute en apercevant une « bestiole » à ces pieds…Horreur ! Un serpent de quarante centimètres est lové dans mes chaussures !!!Comment est il arrivé là ? Est-il venimeux ? Pas le temps de se poser ce genre de questions. Une chose est sûre, il n’y a pas de place pour lui dans notre annexe de deux mètres…J’attrape prudemment ma chaussure après avoir stoppé le moteur et la plonge rapidement dans l’eau. Le reptile n’apprécie pas du tout et se cramponne à ma sandale en s’approchant de ma main. Je ramène la chaussure à bord et la lâche au fond de l’annexe. La « bestiole » reprend sa place et s’y trouve bien ! Je finis par la coincer avec les rames et a la jeter à l’eau non sans l’avoir frappé plusieurs fois avec la pagaie pour la dissuader de remonter à bord… Incroyable histoire, mais bien réelle. Nous sommes restés très vigilent pour la suite de notre expédition dans ce milieu vraiment très « sauvage »…

Le matin même, nous avions exploré un domaine beaucoup moins dangereux, le site archéologique de Nikopolis fondé par Octave trente ans avant notre ère. Vaste domaine sous exploité et peu entretenu où les visiteurs sont un peu livrés à eux même. Nous y avons découvert de magnifiques mosaïques en parfait état de conservation. Situé à trois kilomètres de notre mouillage, nous avons profités de l’offre amicale d’une riveraine pour le trajet aller. Quand au retour effectué à pieds, nous en tirons la conclusion suivante : l’auto stop en Grèce est beaucoup plus difficile qu’en Italie !        

 

Dimanche 19 août

 

Après une nuit passée sous le vent des îlots Vouvalos dans la solitude la plus complète, nous avons mis le cap à l’est, tout au fond du golfe, direction Menidhion petite citée balnéaire fréquentée essentiellement par les grecques. La logique aurait voulu que nous attendions la levée du vent de nord ouest pour partir mais, a cours de provisions ce dimanche, il nous fallait arriver avant midi. En deux heures de navigation, nous avons été comblés ! Des dauphins à ne plus savoir où donner de la tête et des tortues qui enfin, se laissent approcher.

Après avoir fait quelques courses et bu un ouzo au restaurant du port (accompagné d’une assiette de friture et de beignets de courgettes gracieusement offerte), nous sommes allés jeter l’ancre dans l’ouest de la baie, où une ancienne pêcherie a été transformée en musée. L’endroit est presque désert en dehors des clients de l’unique taverne où nous savourons notre ouzo (encore un) accompagné cette fois d’une friture de poissons…froid. Pour la modique somme de deux Euros, nous gardons les réclamations pour plus tard.

La soirée barbecue se déroule sous l’observation attentive des hérons et des mouettes visiblement peu habitués aux touristes…D’ailleurs, les autochtones aussi. L’anglais a disparu des conversations et de la signalétique et le dialogue devient difficile entre eux et nous !

 

 Mercredi 22 août

 

Vonitsa, dernière escale dans ce golfe d’Amvrakia. Nous pensions en faire le tour en quatre ou cinq jours, mais nous sommes loin de regretter notre flânerie au milieu de ces paysages aussi sauvages que variés.

Arrivés hier à Vonitsa, nous avons retrouvé l’ambiance des mouillages fréquentés. Cette charmante petite bourgade se trouvant juste à l’entrée du golfe, en face de Préveza, nombreux sont les plaisanciers qui s’y aventurent. Certain sont ici depuis huit ou dix jours, mais ils ne connaissent que ces deux endroits. Quand on leur explique notre parcours, ils restent bouche bée. Quelques uns prendront peut être le temps de pousser un peu plus loin leurs navigations… Il faut reconnaître que cette petite ville a un côté très sympathique avec son  port au pied d’une colline au sommet de laquelle un fort vénitien semble veiller sur la ville. Entre pins et eucalyptus, quelques criques charmantes se cachent, et l’on a envie de toutes les explorer. Ce soir, nous sommes ancrés derrière une presqu’île dont la forêt de pins et de cyprès nous protège du vent dominant nous apportant des odeurs de garrigue. Tous ces lieus magiques, nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir car notre décision est prise, nous hivernerons Casalibus à Préveza. Il y a quatre chantiers navals dans le coin, tous proches de l’aéroport et les prix d’hivernage semblent plutôt corrects.

 

Lundi 27 août

 

Nidri, île de levfkas ! Toujours un peu plus de sud dans notre sillage…a petite vitesse tout de même!

Nous avons quitté Préveza samedi matin après avoir réglé toutes les formalités pour l’hivernage de Casalibus et notre retour en Chartreuse. Nous laisserons le bateau dans un chantier familial, à Préveza, et pour la première fois à terre. A voir le calage des bateaux sur le chantier, j’ai d’abord eu une impression négative par rapport aux autres sociétés d’hivernage et leurs bers sophistiqués. Ici, de simples étais en bois reposant directement sur le sol meuble. Nous sommes dans une région où les tremblements de terre sont fréquents, même s’ils ne sont que de faible amplitude dans la majorité des cas, et heureusement ! Mais faire reposer un bateau sur de simples étais reposant chacun directement sur le sol doit, en cas de secousse, permettre d’absorber les tremblements et d’éviter ainsi le basculement du bateau…en théorie ! Quoiqu’il en soit, un hiver au sec après quatre années passées dans l’eau lui fera le plus grand bien.   

Aborder le canal de Levfkas lorsque l’on arrive par le nord peut donner quelques sueurs froides pour le peu que le vent de nord ouest se montre généreux. L’entrée, d’une vingtaine de mètres de large seulement ne se distingue qu’une fois le bateau dans son axe, c’est à dire très proche de la plage et de ses rouleaux. Même si l’on est sûr de son coup grâce a la présence du phare vert à tribord et du fort sur la rive bâbord du chenal, la passe reste invisible jusqu’au dernier moment. Ensuite, il faut prévoir son arrivée si possible aux heures pleines car un pont tournant interdit toute progression en dehors de ces horaires. La circulation automobile est alors interrompue et le pont pivote pour permettre aux bateaux de passer. Alors, la ruée commence…Dans les deux sens de circulation, ce n’est qu’une longue file de navires qui se pressent dans ce passage obligé.

Si nous avons pu profiter de la solitude dans le golfe de Préveza, arrivés dans le chenal et le port de Levkas, on comprend rapidement qu’il en est terminé des soirées Robinson au mouillage. Ici se concentrent une grande partie des bases de location de bateaux de la mer Ionienne. Arrivés un samedi, jour de prise en charge des voiliers de location, nous savons que nous devons mettre un ou deux jours entre eux et nous si nous ne voulons pas nous retrouver coincés tous les soirs au milieu des flottilles. Le lieu n’est pas réjouissant, mais la ville est intéressante à visiter et très bien fournie en supermarchés. Nous nous mettons au quai public, au bord de la route principale qui relie l’île au continent. C’est le seul endroit où il reste de la place…forcément ! Au moins, nous savons à quoi nous en tenir…

Cette stratégie a porté ses fruits car aujourd’hui, même si les voiliers sont nombreux dans cette superbe baie de Nidri, nous trouvons une place sans problème dans « Tranquil Bay ».

 

Mercredi 29 août.

 

Skorpios, île privée appartenant à la famille Onasis. Nous sommes mouillés dans la baie où jadis, le « Christina » était ancré une partie de l’été. Il n’est pas permis de descendre à terre, mais le gardien semble plutôt relax. Nous retrouvons les eaux limpides dans cette crique ravissante avec sa plage de sable fin et sa colline boisée. Juste en face de nous, les hauts sommets du continent nous envoient un peu de fraîcheur par l’intermédiaire de la brise du soir. Fraîcheur toute relative, le thermomètre à l’intérieur annonce trente cinq degrés quand même !

Il y a de nombreux bateau au mouillage, mais malgré la ligne de bouées semblant interdire d’avancer trop près de la plage, nous franchissons la zone en attendant de voir ! Rien. Personne pour venir nous demander de reculer. Après vérification, ces bouées ne sont que des corps morts pour les bateaux d’excursions qui envahissent les lieux dans la journée. Nous sommes les seuls à avoir tenté l’expérience et nous nous retrouvons ainsi tranquilles, en avant de tous les autres bateaux!

 

Jeudi 30 août

 

Quand je disais qu’il en était fini des Robinsonnades au mois d’août en mer Ionienne, je me trompais ! Au fur et à mesure que le soleil déclinait hier au soir, les bateaux levaient l’ancre. Tous sans exception ont fuit ce lieu magique et chargé d’histoire pour je ne sais quel port surchargé ! A vingt heures, nous étions chez nous ! Plus personne autour. Même le gardien a regagné son « home ». Moi qui m’inquiétais du dérangement occasionné par la fumée du barbecue, elle ne troubla que les mouettes installées sur la plage déserte et seules autorisées à faire du camping sauvage. Moments de bonheur sans lesquels toute navigation  resterait inachevée.

Ce matin, voyant arriver de nouveau les marins explorateurs, nous avons cédé sans remord notre place pour aller jeter l’ancre dans la baie Dessimou, deux petits milles plus au sud. Moins magique mais tout aussi beau. Un seul voilier nous a devancés et il reste de la place pour Casalibus.        

 

Dimanche 2 septembre

 

Sivota dans le sud de Levka. La mer pénètre profondément dans les terres et le village ne se laisse découvrir qu’au dernier moment, au sortir de la dernière courbe du bras de mer. De hautes collines ceinturent cette baie devenue un haut lieu touristique de l’île. Autrefois village agricole, tous les moulins à huile sur le port sont devenus de charmant restaurants pour les nombreux plaisanciers en escale. Ici se trouve la base d’une célèbre agence de location de voilier et c’est l’économie de tout le village qui en dépend.

Hier, nous avons quitté Nidri après avoir fait quelques achats avant de nous lancer dans l’exploration de toutes ces petites îles truffées de mouillages dans les alentours de Levka. Nous avons un mois devant nous pour dénicher les meilleurs spots du coin. D’autant qu’à partir de demain, les voiliers seront nettement moins nombreux en mer Ionienne. Soulagés aussi d’avoir trouvé une chambre d’hôtel à Milan pour la nuit du 3 au 4 octobre, lors de notre retour. Dormir sur un banc de l’aéroport ne nous enchantait guère…

Pour l’heure, nous mettons le cap sur Vasiliki, grande baie tout au sud de Levka.

 

Mardi 4 septembre.

 

Vasiliki ! Spot mondial pour la  planche à voile, le kite-surf et tout ce qui flotte et se déplace à la force du vent. D’ailleurs, tellement venté le coin que nous avons dû faire demi-tour dimanche, lors de notre première tentative. A l’approche du cap Lipso, trente nœuds de vent dans le nez nous ont donné à réfléchir. Tirer des bords pendant deux heures dans une mer cassante ou simplement faire demi-tour pour retourner à Sivota en une heure d’une navigation confortable par vent arrière. Le bon sens l’a emporté…

Il semble effectivement qu’Eole est le maître des lieus !  Arrivés hier matin bien avant que la brise ne s’installe, nous avons jeté l’ancre proche de la plage, par mer plate et vent nul. A midi, nous nous amarrions au quai du port pendant qu’il était encore possible de manœuvrer. Le vent se lève très vite et les rafales peuvent être violentes. Normalement, tout se calme avec la tombée du jour… sauf hier au soir où le vent fit des heures supplémentaires jusque tard dans la nuit. Bien amarrés au quai, nous étions heureux d’avoir quitté ce mouillage devenu intenable et dangereux. Les bateaux arrivés après nous ont eu nombres de difficultés à apponter avec trente nœuds de vent de travers. Un skipper pourtant professionnel a arraché le mouillage d’un voilier amarré au quai en perdant le contrôle de son bateau. Pas de casse, mais beaucoup d’effort pour le sortir de ce mauvais pas. Beaucoup préfèrent rebrousser chemin plutôt que de se risquer à la manœuvre.

Aujourd’hui, nous avons testé la fiabilité d’une nouvelle marque de scooter ! Et oui, il fallait bien récidiver. Aucun problème même si Brigitte ne montra guère d’enthousiasme à ré enfourcher l’engin… Nous avons visité une partie de la côte ouest de Levka où de magnifiques plages se nichent aux pieds de falaises vertigineuses. Ces hauts lieux font la fierté de l’île et le bonheur des marchants de cartes postales. Aucune possibilité d’accès ici en bateau, la houle du large venant s’écraser sur la rive en de monstrueux rouleaux.

 

Mercredi 5 septembre

 

De la pluie ! Oui, de la vraie pluie. Depuis le 25 mai précisément nous n’en avions pas revue. Ce matin, un orage c’est abattue sur la baie en déversant une averse copieuse mais de courte durée. Un bon dessalage pour le bateau sauf qu’une fois l’averse passée, nous nous apercevons que le pont est rouge de sable !!! Et la ville endormie. Pour cause : il n’y a plus d’électricité. Pas d’expresso ce matin… 

Le vent étant favorable (contrairement à la météo qui annonce un renforcement du nord ouest), nous repartons pour Sivota sous un ciel menaçant. En cas de coup de vent, nous serons parfaitement à l’abri au quai du village. 

 

Jeudi 6 septembre

 

Nous sommes amarrés au ponton de Spartakhori sur l’île de Méganisi. Cette baie est absolument magnifique ! Deux tavernes sur la plage, au pied du village auquel on accède par un escalier dont je n’ai pas compté le nombre de marches. Des pontons avec eau et électricité mis gracieusement à la disposition des plaisanciers par les restaurateurs…qui apprécient que l’on aille faire honneur à leur cuisine. Normal ! En tous cas, l’idée est excellente et mériterait d’être exportée sur nos côtes.  

 

Vendredi 14 septembre

 

Après huit jours de cabotage sur l’île de Méganisi, nous mettons le cap sur Mitika, petit port de la côte hellénique, huit miles plus à l’est.

Huit jours, cela parait bien long pour une île aussi petite. Petite oui, mais attachante ! Nous n’avons même pas exploré la moitié des nombreux mouillages sauvages que représente cette île. Comme toujours dans ces cas là, la beauté des lieus a sa contre partie ! Beaucoup de monde encore en cette période. Toutes les flottilles y séjournent, heureusement à tour de rôle suivant l’endroit. Deux petits ports occupent le fond des criques les plus abritées, mais quelque soit l’endroit où l’on mouille, chacun de ces villages reste accessible en dix ou quinze minutes de marche à pieds par des sentiers serpentant parmi les oliviers. Nous avons à la fois envie de continuer cette découverte du site et nous en évader afin de briser la routine qui s’installe insidieusement. Nous avons décidé de partir en nous promettant de revenir. Là est la nuance…

A Mitika, c’est la rupture ! Nous ne sommes que quatre voilier dans ce port occupé essentiellement par des embarcations locales. La ville et ses habitants s’essayent bien au tourisme, mais malgré la plage superbe, la concurrence avec les îles d’en face est inégale! Il en ressort une ambiance tout à fait particulière où le touriste se retrouve noyé parmi les gens du cru. Comme dans le golfe de Préveza, la communication devient difficile. Très peu de gens parlent anglais et nous n’avons encore pas réussi à assimiler plus de cinq mots de vocabulaire grec.

Nous avons mangé dans un minuscule restaurant dans la rue principale, au hasard, nous fiant à notre intuition. Giros (sorte de kébab) et calamars fris arrosé d’un vin rouge local. Quinze Euros tout compris pour nous deux ! Un autre monde…   

 

Samedi 15 septembre

 

De nouveau sur une île, Kalamos, à un jet de pierre de la côte continentale grecque. Autant, cette dernière est aride et sèche, autant Kalamos est noyé sous la végétation. Des pins, des cyprès, des oliviers. Le contraste est étonnant vue la faible distance qui les sépare. Nous optons pour le petit port du village de Kalamos, capitale de l’île s’il en est une. Charmant avec sa place ombragée face au quai où s’étalent les terrasses des trois bars. Le village s’étage sur les pentes du mont Vuni, sept cent cinquante mètres plus haut. Nous aimerions y grimper, mais le seul sentier semblant y mener n’est autre qu’une piste tracée par les moutons…nous renonçons !

 

Lundi 17 septembre

 

Après Kalamos, nous avons pointé notre étrave à l’est, sur la petite île de Kastos. Le mouillage où nous nous trouvons est l’un des plus beaux que nous ayons visité depuis que nous sommes en Grèce. Les conditions météorologiques sont excellentes et même si la température de l’eau a quelque peu chutée, nous vivons une arrière saison superbe !

Hier en fin de matinée, nous avons quitté le port de Kalamos sans trop de regrets malgré la quiétude du lieu. C’est le seul endroit en Grèce où nous avons ressenti de l’antipathie de la part, et des commerçants, et des habitants du village. Heureusement, un banc de dauphins amicaux  a croisé notre route à la sortie du port, comme pour nous faire oublier cette animosité locale. Arrivés au mouillage de Port Léone, plus au sud, là encore, nous sommes restés sous le charme du site. Une grande baie divisée en deux par une avancée rocheuse surmontée d’une chapelle, noyée parmi les oliviers. La brise de terre nous apporte des odeurs de maquis et de romarin. Deux moulins en ruines sur la pointe est rappellent que l’olive a été

la richesse des habitants dans le passé. Aujourd’hui, du passé et de ses agriculteurs, il ne reste que le village abandonné depuis 1953, date à laquelle un tremblement de terre les a contraints à abandonner la partie commencée par leurs aïeux des siècles auparavant. Seule une taverne a réinvesti l’endroit. Un grec a partiellement rénové une maison pour la transformer en restaurant estival. Sa saison terminée, il démonte sa terrasse et nous offre un soda, dernière boisson qui lui reste. Le bruit continu du groupe électrogène parmi les ruines de ce village craie une atmosphère surréaliste. Nous le laissons à ses occupations en lui promettant de repasser l’année prochaine. Sera t’il encore là ?

           

Mardi 25 septembre

 

Tout ceci sent la fin ! De retour à Préveza après une dernière navigation depuis Levkas dans de supers conditions, quinze nœuds de vent arrière, voiles en ciseaux, un peu comme pour nous faire regretter notre prochain départ. Oui mais, de regret il n’y en a pas. Nous partirons sereins et heureux de ce périple qui nous mena dans ces eaux grecques de la mer Ionienne avec cette fois, la satisfaction d’avoir atteint un but, réussi à rejoindre la Grèce, cette frontière avec l’Orient, mené Casalibus, ce petit voilier, car petits nous sommes parmi les autres, jusqu’ici comme un grand et ce depuis son port d’attache d’Aix les bains. J’en vois certain sourirent, d’ironie peut être, ceci ne représentant que quelques centaines de milles, mais le voyage en bateau reste le voyage, quelque soit la destination. Sensation de liberté dans la découverte, où seul la volonté, l’envie du « plus loin » motive les décisions, même si jamais nous n’avons eu à affronter de longues navigations solitaires. Nous partirons d’autant plus sereins que ce bassin de navigation dans les eaux Grecques nous prédit pour l’année prochaine des moments de bonheur parmi les innombrables mouillages à découvrir. Mais pour l’instant, le bonheur, c’est ce proche retour parmi les nôtres qu’une absence de quatre mois  rend d’autant plus précieux.

Mais cette semaine à venir nous laisse encore des perspectives de navigations alléchantes dans ce golfe de Préveza que nous avons tant apprécié. Enfin, si les conditions météo nous le permettent, car les prévisions à venir ne sont guère optimistes !

 

Vendredi 28 septembre

 

Après trois jours d’escale forcée, à l’abri dans le port de Préveza, nous profitons d’un dernier mouillage solitaire dans la superbe baie de Vonitsa. Si belle que, lors de notre précédente escale, nous y avions passé plusieurs jours. A la différence que cette fois, nous avons bénéficié d’une tranquillité absolue tout l’après midi. Seuls dans la crique de Markou, alors qu’au mois d’août, nous avions renoncé à y jeter l’ancre vu l’encombrement ! Des français rencontrés à Préveza nous ont indiqué la présence de palourdes dans cette baie. Nous en avons ramassé quatre kilos ! Visiblement, ce genre de coquillages n’intéresse personne par ici…

Dernier mouillage, dernier bain, le retour du soleil et de la chaleur nous fait oublier la  dépression et les fortes pluies de ces deux derniers jours.      

 

Dimanche 30 septembre.

 

Mouillés devant le chantier naval de Dimitri Manetas où Casalibus hivernera, nous profitons de cette dernière soirée barbecue avec en prime, un très beau couché de soleil sur le golfe.

Demain matin, le bateau sera hissé à terre à la méthode ancestrale de la luge. Le principe consiste à descendre dans l’eau un traîneau sur un plan incliné, d’y caler le voilier et de remonter le tout sur la terre ferme. De nos jours, ces luges disposent de vérins hydrauliques et de roues pleines pouvant supporter de fortes charges. Ensuite, il suffit de garer le bateau sur le chantier, de le faire reposer sur sa quille et de l’étayer à l’aide de rondins de bois de différentes longueurs. Une fois l’opération terminée, on retire la remorque. Un peu archaïque mais efficace. Après plusieurs visites au chantier, j’ai toute confiance au savoir faire de ces hommes de terrain pratiquant la mise en cale sèche depuis mille neuf cent trente six !       

 

 

Mardi 2 octobre.

 

Dernière soirée sur Casalibus. Perchés à deux mètres de hauteur avec vue sur la baie, nous savourons ce moment de détente après deux jours de préparatifs, rangements et nettoyage. Nous laisserons le bateau sans appréhension, le sachant au sec et bien gardé durant l’hiver. Aujourd’hui d’ailleurs, nous avons tout fait pour nous faire appréciés des deux chiens de garde. Caresses, nourriture, car demain matin à six heures, nous traverserons le chantier à pieds et dans l’obscurité pour nous rendre au portail où un taxi nous attendra pour nous conduire à l’aéroport d’Athènes. Six heures de voiture ! C’est la seule solution que nous avons trouvé. Heureusement, nous partageons la course avec deux autres personnes… 

Contents de rentrer bien sûr mais toujours un pincement au cœur d’abandonner notre voilier devenu depuis trois ans notre seconde maison.

 

Jeudi 4 octobre

 

Sestrières, TGV 9248 destination Paris ! Nous assistons au couché du soleil non pas depuis le cockpit de Casalibus mais derrière les vitres de ce train où nous avons embarqué à la gare de Milan, dernière escale avant notre retour à la maison. « Embarqué, escale », décidément, ces quatre mois sur un bateau ont marqué mon vocabulaire!

Nous avons passé notre première nuit sur terre dans cet hôtel de Milan quelque peu rustique. Suffisamment fatigués après un vol sans problème depuis Athène, mais un voyage en taxi très matinal et une ultime nuit sur Casalibus plutôt courte, nous avons néanmoins apprécié le confort sommaire de notre chambre. Ce voyage en taxi nous a permis de constater que les grecs n’ont rien à envier aux italiens en ce qui concerne leur conduite hasardeuse ! Nous avions beau nous trouver à bord d’une Mercedes dernier cri, nous avons eu des sueurs froides plus d’une fois ! Avec des pointes à cent soixante kilomètres heure à la moindre ligne droite sur cette route de montagne, nous avons craint le pire lorsque nous aborderions l’autoroute. Surprise ! Il ne dépassa pas le cent quarante à cause des contrôles de vitesse beaucoup plus courants à l’approche de la capitale. L’inconscience de notre conducteur ne semblait avoir aucune limite. Il lui est arrivé de boire son café frappé tout en téléphonant et même en regardant un clip vidéo sur le lecteur DVD de bord ! Seul avantage, nous avons mis quatre heures et quart au lieu des cinq heures trente annoncés. Quel plaisir, quelques heures plus tard, de nous retrouver en toute sécurité à neuf mille mètres d’altitude à bord d’un Boing volant à neuf cents kilomètres heure… 

Ce soir, nous retrouverons notre maison, notre lit et surtout…Olivier et Jessica qui nous attendent à la gare de Chambéry!

 

Golfe-de-Preveza.jpg

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