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30 mai 2013 4 30 /05 /mai /2013 09:09

CINQUIEME PARTIE : le retour de Casalibus. (Eté 2009)

 

  Les-Cyclades.jpg

 

Mercredi 20 mai 2009

 

Cette nouvelle saison de navigation est arrivée bien vite. Un automne qui passe, un hiver qui s’enfuit et un mois de mai qui renaît alors que la neige couvre encore les sommets de Chartreuse et…de Grèce. Est-ce notre avancée dans l’âge qui précipite le temps ?

Des névés bien visibles depuis le pont du bateau descendent des pentes du mont Dirfis, juste en face du chantier naval, sur l’île d’Evia. Il ne culmine pourtant qu’à 1743 mètres. Pour la première fois, depuis que Casalibus hiverne en Méditerranée, la neige a recouvert son pont cet hiver.

D’ailleurs, il semble qu’ici, le printemps a du mal à s’imposer. Les nuits sont très fraîches, l’eau glacée et surtout, ce foutu meltem fait déjà des siennes. Voilà trois jours qu’il souffle et rend la vie sur le chantier un peu pénible. Quelques averses de temps en temps et vous aurez compris que, pour le moment, notre périple n’a rien d’enchanteur. Cela nous laisse l’occasion de peaufiner le bateau et de faire quelques virées à Athènes avec la voiture de location que nous avons gardée pendant les quatre premiers jours. Notre oisiveté relative nous permet aussi de faire plus ample connaissance avec les autres marins. Beaucoup de français d’ailleurs et les apéros à bord des bateaux se succèdent…

Les dernières nouvelles de la météo annoncent une amélioration pour samedi. En navigation comme en montagne, la patience est de règle…

 

Dimanche 24 mai.

 

Nous avons enfin repris notre liberté. En fin de journée, vendredi, le vent est subitement tombé. Je venais de terminer une opération de remplacement de poulie et de girouette en tête de mat lorsque Zaccaria, le patron du chantier, est venu nous proposer de nous mettre à l’eau. Nous n’avons pas hésités longtemps et en dix minutes, nous étions prêts. Nous ferions nos dernières courses le lendemain au marché après avoir passé la nuit au port.

Le marché d’Oropos est le plus grand marché hebdomadaire que nous ayons vu en Grèce. Les gens arrivent de tous les villages alentours en bus, voitures ou mobylettes et l’on y trouve de tout, y compris des poules et des poussins vivants.

C’est donc avec un avitaillement généreux que nous avons repris la mer ce matin, direction le sud par mer plate et vent faible. Tellement chargé d’ailleurs que nous nous sommes aperçus hier au port, que la proue de Casalibus plongeait un peu trop sous la surface ! Un déséquilibre du à tout les achats nouveau en matériel bien sûr, et aussi au stockage de courses mal réparti. Je pense que depuis notre départ, il y a quatre ans, nous nous sommes sérieusement alourdis. Le mal est réparé après un long travail de transbordement de l’avant vers l’arrière…

Aujourd’hui, nous renouons avec le mouillage. Nous sommes ancrés dans la baie d’Almiropotamos, face au village de Panayia sur la côte ouest de l’île d’Evia. Le village et son port sont plutôt calme en cet après midi de dimanche. L’incontournable sieste dominicale en est sûrement la cause…et à cette époque de l’année, ce ne sont pas les touristes qui risquent de les déranger. Nous nous sentons privilégiés, car en dehors de la température de l’eau qui a du mal à atteindre les vingt degrés, la période est idéal. Celles en journée sont encore supportables et les bateaux peu nombreux. Quand à la flore, elle est à son apogée et beaucoup de maison rivalisent en fleurissement.

 

Mardi 26 mai.

 

Les Cyclades, enfin ! Nous y sommes depuis ce soir, sur l’île d’Andros, au mouillage dans une crique délaissée des navigateurs, après une traversée du chenal d’Evia par brise fraîche, à plus de six nœuds de moyenne. Quatre heures trente de navigation au pré serré depuis les îles Petalioi où nous avons fait escale la nuit dernière.

Cet archipel des Petalioi, dans le sud ouest d’Evia est sans aucun doute un des plus beaux endroits de la région. Nous avions été frustrés l’an dernier de n’avoir pu nous y arrêter, le meltem en ayant décidé autrement. Lors de notre arrivée sur Athènes il y a quinze jours, nous l’avons survolé en avion et je désespérais de ne pouvoir y jeter l’ancre. C’est chose faite et la beauté des lieux n’est pas une légende. Mouillés dans le nord ouest de Xero, nous avons pu profiter du calme et de la solitude d’une baie parfaitement protégée. Une escapade sur cette îlot privé nous a permis de découvrir un petit paradis boisé de pins et de cyprès, où se niche une seule maison, très belle, surplombant la baie et accompagnée d’une chapelle et de son cimetière. Seul problème, les gardiens des lieus qui nous ont priés gentiment de rebrousser chemin…Privé, c’est privé.

Sur la plage, un ancien puits nous a permis de faire une petite lessive à l’eau douce, claire et fraîche.

Nous avions rendez vous en fin de matinée avec des français, habitant Karisto, que nous avions rencontrés l’an dernier durant notre longue escale forcée dans cette ville. Leur aide avait été précieuse et ces retrouvailles étaient attendues. Ils nous ont rejoint au mouillage avec leur bateau, un semi-rigide de huit mètres propulsé par un moteur de trois cents chevaux… Vitesse de croisière : cinquante nœuds ! (quatre vingt dix kilomètres heure). A couple de Casalibus, nous accueillons l’équipage. Jamais nous n’avons été aussi nombreux à bord pour l’apéritif…Neuf personnes au total. Les verres manquaient mais pas l’ouzo et je crois bien que notre voilier s’est senti un peu surchargé !

 

Mercredi 27 mai.

 

Après une première nuit au mouillage sur la côte ouest d’Andros, nous avons gagné le port de Gavrion où le trafic maritime est complexe. Entre les entrées et les sorties des ferries combinées aux manœuvres des cargos en attente dans la baie, nous nous sentons bien petits et j’ai du mal à appréhender l’organisation du trafic. Aucune information sur la VHF. La vedette des gardes côtes fini par venir à notre rencontre et m’indique ainsi la conduite à tenir. J’allais tout simplement couper la route à un énorme ferry sortant du port…

Ce soir, nous sommes ancrés au fond de la baie où les rafales de vent nous ont malmenés tout l’après midi. Les allées et venues en annexe ont été quelque peu humides…

La ville a un côté sympathique, mais le trafic portuaire trouble la tranquillité du site.

 

Vendredi 29 mai 

 

Le vent est enfin tombé ! Je dis enfin, car il n’avait cessé de forcir ces dernières heures et les rafales catabatiques descendant des montagnes nous rendaient la vie à bord inconfortable.

Nous étions seuls amarrés dans le petit port de Batsi, trois milles au sud est de Gavrion. Rien à voir avec cette dernière, la petite ville de Batsi est adorable avec les terrasses fleuries de ses tavernes en espalier, surplombant le port et dominées d’en haut par cette église blanche au tuiles rouges. Contrairement à l’idée que l’on se faisait des Cyclades, l’eau parait abonder ici, car de nombreuses fontaines irriguent les minuscules jardins des maisons perchées. On y retrouve la nonchalance et la gentillesse des insulaires grecs.  

Après avoir sécurisé le bateau, nous avons fait hier une escapade en bus sur la côte est d’Andros. L’intérieur de l’île ne présente pas beaucoup d’intérêt et la ville d’Andros, capitale locale, est bien décevante. L’essentiel de cette excursion aura été le voyage retour en compagnie de deux autres couples de français, à bord d’un mini bus spécialement affrété pour nous, et du débat engagé entre nous et le contrôleur, un pakistanais fan de notre président !

Ce matin, nous longeons la côte en direction du sud afin de rallier une autre île des Cyclades : Tinos. Il n’y a plus un brin d’air et la mer plate est propice à la pêche…encore une légende…  

 

Lundi 1erjuin 

 

Ile de Mikonos! Nous plongeons cette fois dans les Cyclades typiques à l’image de toutes ces cartes postales qui les représentent, avec leurs maisons blanches comme neige, leurs multiples églises et leurs terrasses fleuries. Mais aussi leurs prix exorbitants dus sans aucun doute à la fréquentation touristique. Disons que Mikonos est à la Grèce ce que Saint Tropez est à la côte d’azur ! Vous m’aurez compris…Beaucoup de « supers yachts », de boutiques de luxe et de maisons avec héliport privé. Mais la comparaison s’arrête ici, car rien n’entache cette sympathie et ce sens de l’accueil si caractéristiques des grecs rencontrés jusqu’à présent. Essayez donc de faire du stop à Saint Tropez ou à Antibes, en couple et chargés de sacs de courses ! La marina de Mikonos se situant à deux kilomètres de la ville, nous n’avons pas eu à marcher bien longtemps en tendant le pouce. A chaque fois une voiture s’est arrêtée pour nous véhiculer.

Le charme de cette ville est indéfinissable. Un mélange de tradition et de luxe qui fait que chaque maison est différente. Où le pêcheur est un artiste et l’artiste un pêcheur.

 

Nous sommes arrivés hier matin sur Mikonos après avoir quitté Tinos presque trop rapidement.

Nous avions abordé cette île par le nord en faisant escale dans une baie plutôt isolée, mais relativement protégée des vents dominants. Un village à la fois port de pêche et citée balnéaire occupait le fond de la crique. Nous étions encore seuls dans ce paradis perdu, en faisant  l’attraction du moment pour les enfants sur la plage. Au couché du soleil, nous jetions l’ancre pour la nuit devant une plage bordée de lauriers en fleurs et envahie de chèvres.

Le port de Tinos quant à lui, est un endroit particulièrement visité. Si cette ville est quelconque, en revanche, sa magnifique basilique dédiée à « Notre Dame de la Bonne Nouvelle » attire des milliers de malades et infirmes en quête d’une guérison. Un chemin de croix borde l’avenue principale qui monte à ce lieu de pèlerinage sur plus de trois cents mètres et toute la journée, des pénitents effectuent cette ascension sur les genoux… En ce qui nous concerne, nous nous contenterons d’y faire un avitaillement complet en prévision de nos prochaines escales solitaires.

Ce soir, on ne peut pas parler de mouillage sauvage, car nous sommes ancrés dans une grande baie dans le sud de Mikonos et très prisée des plaisanciers !  On ne va quand même pas s’approprier tous les paradis sur terre… 

 

Jeudi 04 juin

 

L’île de Naxos, toujours plus au sud. Le calme règne ce soir dans l’anse sud de ce port au trafic important la journée. Nous rentrons d’une soirée restaurant dans cette ville incroyablement belle de Chora. Difficile de quitter un lieu où tout vous enchante, y compris la cuisine qui jusqu’à présent ne nous a jamais vraiment convaincue.

Notre arrivée sur l’île avait plutôt mal commencée avec une navigation pénible depuis l’îlot de Delos, vingt milles plus au nord. Une fois n’est pas coutume, c’est un coup de vent de sud ouest qui nous a surpris dès le début de notre traversée, avec une mer qui se creusait de plus en plus. Quarante nœuds soutenus au pré serré pendant quatre heures, ça fini par user…Nous aurions pu renoncer évidemment et retourner au port de Mikonos, au portant et poussés par la houle ! Avec le recul, on se demande souvent ce qui motive les décisions que nous avons à prendre quelquefois dans la vie. Toujours est-il que cette navigation nous a fortifiés quand à notre résistance morale et au comportement de notre bateau pourtant mal mené et dont nous avons plusieurs fois vu l’étrave disparaître dans la vague.

La veille au soir, nous avions mouillé dans l’étroit chenal de Delos, aux pieds du site archéologique de cet îlot du même nom. Un haut lieu d’échanges commerciaux il y a plus de deux mille ans où s’était construite une ville de 30000 habitants ! Tout le commerce méditerranéen transitait par ce port protégé naturellement et idéalement situé entre l’Europe et le Moyen Orient. Aujourd’hui seuls le gardien et quelques archéologues sont autorisés à séjourner sur place. Tous les visiteurs doivent quitter l’île après quinze heures et les mouettes redeviennent les maîtres des lieux.

 

Nous avons consacré la journée d’aujourd’hui à la visite de l’arrière pays de cette île merveilleuse de Naxos en renouant avec notre transport favori : le scooter !

Contrairement à Delos, Naxos est la plus grande, la plus élevée et la plus fertile des Cyclades. Pour nous, c’est aussi la plus belle de toutes celles que nous avons déjà parcourues. Beaucoup de villages perchés sur les flans des montagnes et des vallées verdoyantes où oliviers et arbres fruitiers s’étendent sur des kilomètres. Et les fleurs, présentes partout au bord des routes avec des genets et des lauriers roses éblouissants de couleurs vives.

Mais s’est sans aucun doute la capitale qui retiendra toute notre affection. Une ville dominée comme souvent par une ancienne citadelle construite au treizième siècle par les vénitiens sur les ruines et avec les ruines du capitole ! On retrouve ainsi dans certaines maisons d’époque, des façades de marbre sculpté et même des colonnes vieilles de deux mille cinq cents ans. Les ruelles étroites et dallées cascadent vers le port où chaque taverne redouble d’imagination artistique pour séduire le touriste de passage. Les nombreuses galeries d’art nous ont retenus des heures par l’originalité des œuvres présentées et il y a fort à parier que nous retournerons flâner dans ces étranges ruelles demain matin…

 

Samedi 6 juin.

 

C’est dans le nord de l’île de Paros que nous avons « échoués » hier après midi. Un échouage volontaire qui n’en est d’ailleurs pas un puisque nous avions un mètre d’eau sous la quille, mais plutôt un mouillage que nous n’avions pas du tout envisagé compte tenu de son exposition ouverte au nord. Mais la tentation est trop forte lorsque nous nous glissons entre tous les récifs qui bordent la côte. La mer est calme et le vent absent et les prévisions météorologiques sont favorables. Nous mouillons notre ancre en bord de plage dans une anse déserte, où les eaux turquoises nous laissent voir jusqu’à la moindre étoile de mer étalée sur le fond. La plage par elle même est nettement moins idyllique et ressemble plus à une décharge que le dernier coup de meltem a alimentée. On peut pratiquement y faire son marché en quincaillerie diverse…Mais les bigorneaux pour l’apéritif abondent et le bois flotté récupéré nous permettra de faire cuire les dorades achetées aux pêcheurs de Naxos.

Ce matin, la mer n’a pas une ride et le soleil encore rasant et déjà chaud invite à la baignade matinale. La première de ce rituel quotidien que j’affectionne tant…

 

Lundi 8 juin.

 

Nous venons de poser notre ancre dans le chenal Dhespotico entre l’île du même nom et Andiparos après avoir tiré quelques bords depuis la capitale : le port d’Andiparos. En fait, dans les Cyclades, chaque île porte le nom de sa capitale ou…vis et versa !

Nous avons d’ailleurs été surpris par ce village si peu attirant lorsqu’on le voit du large et tellement séduisant une fois franchi les premières maisons sur le port. Alors que tout semble plat et monotone, nous y découvrons des ruelles en pente, pavées de grosses dalles jointées de ciment peint à la chaux et comme à chaque fois, le fleurissement des maisons et des boutiques nous impressionne. Bien sûr, nous ne pouvons comparer avec Naousa, cette ville au nord de l’île de Paros où nous avons fait escale samedi. On ne sait plus de toutes ces citées laquelle est la plus belle tellement elles rivalisent de charme et de quiétude. Même si certaines commencent à être envahies par les touristes, la sérénité est partout présente, dans les rues et aux terrasses des cafés où les vieux boivent leur ouzo, sec et glacé en devisant sans doute sur les élections européennes…

Ce soir, c’est ce coucher de soleil sur la baie qui nous fascine alors que sur le barbecue cuisent nos grillades et que nous prenons notre ouzo quotidien, glacé mais avec de l’eau…

 

Jeudi 11 juin 

 

Baie de Kalotaritissa, au sud ouest d’Amorgos. On peu difficilement parler de solitude en décrivant cette crique profonde, mais d’une baie naturelle et sauvage sans aucun doute. Pas une maison sur la berge en dehors d’une cabane de pêcheurs, mais beaucoup de bateaux sur corps morts, de pêche justement. Il faut dire que la place est particulièrement bien abritée de tous les vents, y compris du meltem qui nous a encore imposé ce matin, une navigation musclée depuis l’île de Skhinoussa. Plus de trente cinq nœuds de vent, mais surtout, une mer forte et hachée comme la méditerranée peut l’être quelquefois. Par vent de travers, Casalibus a battu tous ses records depuis qu’il nous guide sur la grande bleue. Deux heures et demies pour faire dix sept milles ! Belle moyenne pour un « petit » bateau.

L’arrivée dans cette baie de Kalotaritissa est impressionnante, car la passe étroite qui la dessert est ouverte à la houle, et très peu visible depuis le large. Seuls, les mats de deux voiliers dépassants de derrière la lagune, nous confirment notre position. Un fois à l’intérieur, c’est le calme plat, le repos du marin. Le moment où ses nerfs se relâchent et où l’appétit lui revient…

Ce matin, la météo nous annonçait entre quinze et vingt nœuds de vent lorsque nous sommes partis de Mirsini, petit port de l’île de Skhinoussa où nous avons séjournés deux jours. Lieu absolument charmant et tranquille avec son village haut perché et totalement authentique. Pas de voiture en dehors d’un pick-up qui fait les navettes depuis le port. Il ne faut que quinze minutes à pieds pour gagner le village et la vue sur les îles environnantes est époustouflante. Nous achetons aux pêcheurs pour cinq euro de leur pêche, et nous nous  retrouvons avec un kilo et demi d’excellents poissons frais. Deux jours de barbecue assurés.

 

Vendredi 12 juin

 

Le meltem ne nous aura pas laissé beaucoup de répit ! La météo nous prévoit cinq jours de vent fort à partir de demain. Nous nous sommes mis à l’abri au port de Katapola, la capitale d’Amorgos. En fait, une petite bourgade où les ferries débarquent des touristes venus principalement sur l’île pour les nombreux sentiers de randonnée qui font sa réputation. Nous avons quitté le mouillage avec regret, mais nous ne nous voyions pas passer cinq jours en solitaire dans cette baie perdue.

Notre soirée d’hier fût festive, car nous avons été invités à manger sur un superbe voilier français. Un Garcia de quarante cinq pieds sur lequel Yannick et Denise, des bretons de souche, parcourent la Méditerranée depuis plusieurs années. Un repas bien arrosé pour cette soirée passée trop vite en leurs compagnies et celle de leurs amis. Nous espérons très sincèrement que nos routes se croiseront à nouveau.

Nous avons profités de la clémence du vent ce matin pour explorer les criques désertes de la côte nord, dont celle qui abrite l’épave « Olympia » qui servit au tournage du film « le grand bleu ». Un tas de rouille visitée par tous les vacanciers de l’île, dont énormément de français.  Le bar « le grand bleu », sur le port, projette chaque soir en terrasse la version longue du film.  Une soirée assurée en perspective… 

 

Lundi 15 juin 

 

Le soleil se lève de derrière la montagne. Il est sept heures et demie et l’agitation sur le quai m’a tirée du lit un peu trop tôt à mon goût ! Il faut dire que le vent ne cesse de forcir et que nous sommes secoués même à l’abri de la digue. Certains reprennent leurs amarres en devisant sur la météo du jour. Et elle n’est pas terrible la météo du jour ! Un coup de vent pour aujourd’hui. En fait, le meltem nous cloue ici depuis trois jours. Pas trop grave en ce qui nous concerne, mais certains bateaux de location commencent à s’inquiéter quant à leur « timing ». Ils y en a même qui tentent le coup de sortir contre tout avis, et en général, ils ne dépassent pas le bout de la baie, avec quelques fois les voiles en vrac autour de l’étai à leur retour…Cela me rappelle notre propre expérience lors d’un séjour prolongé dans un port sicilien et dont j’ai déjà parlé...

Nous en profitons comme à chaque fois, pour visiter l’île et nous ne regrettons pas cette escale forcée. Pendant deux jours, nous avons sillonné ses routes en scooter bien entendu. Si ce mode de transport est idéal sur ces îles, il faut quand même nuancer notre enthousiasme, car s’il est grisant de chevaucher ces engins cheveux au vent, quand ce même vent devient tempétueux, cela peut rendre la conduite acrobatique…Il ne m’étais encore jamais arrivé d’être obligé d’accélérer dans les descentes pour avancer !

Amorgos est un paradoxe à elle seule. Aride et luxuriante à la fois. On peut passer d’une colline déserte et grillée par le soleil, à un vallon verdoyant et fleuri. Le petit village de Langada dans le nord de l’île en est la démonstration. Une oasis au milieu des roches, et entourée de hautes falaises. Et comme toujours, de minuscules jardins entre les murs des maisons où grimpe vignes et bougainvilliers. Un petit monastère accroché à une falaise, surplombe ce flot de verdure où surnagent les maisons blanches.

Le monastère de la Panagia chozoviotissa, plus grand et plus réputé celui-là, et suspendu sous un surplomb, fait face à la mer en regardant le sud. Lui aussi servit au tournage du film « le grand bleu ». Mais une autre de ses particularités est l’hospitalité des deux moines qui y vivent et qui offrent à chaque visiteur, un loukoum arrosé d’un verre d’eau et d’un autre de liqueur à base de miel. Tout ça offert après un petit cérémonial, confortablement assis par groupes de cinq ou six personnes dans l’antichambre minuscule d’un moine. Seule contrainte, une tenue vestimentaire conforme à leur religion : pantalons pour les hommes et épaules couvertes et robes en dessous du genou pour les femmes… 

 

Vendredi 19 juin

 

Sikinos est une île oubliée des Cyclades. Nous y sommes depuis hier après une courte navigation depuis son aînée, l’île d’Ios, huit milles plus à l’est. Nous pensions avoir atteint le record de vitesse sur Casalibus, et bien nous l’avons battu avec des pointes à près de neuf nœuds. Le meltem peut être agréable quand il sait se contenir. Force sept au portant avec une houle qui vous pousse, et toutes voiles déployées, ça vous grise de plaisir…Quelque fois, une vague sournoise vous rappelle à l’ordre d’un embrun rafraîchissant !

Nous avons mouillé avec difficulté, hier en soirée dans la petite baie de Skala. De fortes rafales descendant des montagnes ont rendu l’opération délicate. Aucune place de disponible au quai, nous avons du nous résoudre à ancrer devant la plage. La prudence nous commande de poser une deuxième ancre par sécurité. L’aide de Pierre Louis du bateau Manahiki, mouillé dans la baie, est la bienvenue. L’occasion évidemment de faire connaissance devant une bière en compagnie de sa femme Gabi.

Une excursion en bus jusqu’à la Chora (capitale) nous permet de découvrir toute une partie d’un village authentique, avec ses maisons anciennes et non restaurées. Malheureusement, le monastère situé sur les hauteurs, à dix minutes de marche à pieds, est fermé jusqu’à dix sept heures. Dans la seule taverne ouverte du village, nous rencontrons un pope parlant parfaitement le français et à qui nous soumettons notre regret. Je crois que s’il avait eu les clefs du monastère, il nous les aurait volontiers données ! Il nous apprend que les innombrables chapelles plantées deci delà dans la campagne, sont toutes privées. Toute famille suffisamment riche se doit d’en édifier une sur sa propriété… 

 

Dimanche 21 juin 

 

Notre descente dans les Cyclades s’est arrêtée à Milos, dans le sud ouest de l’archipel. Une escale expresse pour le déjeuner de ce dimanche midi compte tenue de l’espace disponible restant à la disposition des plaisanciers dans la baie d’Apollonia. Entre les innombrables corps morts des bateaux locaux et l’aire d’évitage des ferries, nous nous sentions un peu à l’étroit ! Partis de bonne heure ce matin du port de Folegandros, les quatre heures de navigation à la voile par brise établie ont été un véritable régal. Deux heures supplémentaires de ce régime pour rejoindre le mouillage de Vathy sur l’île de Sifnos, dix milles dans le nord, ne nous ont pas fait hésiter bien longtemps. Baie parfaitement protégée, entourée de falaises se reflétant dans les eaux cristallines du petit port de pêche, notre désenchantement est vite oublié. Ce lieu est une merveille de beauté et de sérénité. Le coup de vent du sud annoncé pour les deux jours à venir ne nous pèsera guère…

 

Mercredi 24 juin 

 

Une fois n’est pas coutume, ce coup de vent du sud nous impose une halte plus longue que prévue dans le petit port de Kamarès sur l’île de Sifnos. Le village dont les maisons blanches s’alignent le long du quai, est surplombé de hautes montagnes arides où se nichent chapelles et monastères. Ce décor, au soleil couchant d’hier au soir, était fabuleux.

Malheureusement pour nous, le mouillage est très inconfortable car la houle du sud rentre sans retenue dans la baie et il est difficile aujourd’hui de mettre l’annexe à l’eau pour descendre à terre ! Nous allons souffrir…

Nous aurions pu rester dans cette jolie crique de Vathy où nous nous étions amarrés contre les rochers, bien à l’abri du vent et des vagues, mais rien ne prévoyait ce changement de temps.

Seule consolation, nous pouvons nous connecter depuis Casalibus par l’intermédiaire d’une wifi en libre accès. Merci à son propriétaire anonyme.

Nous avons rencontré Sandrine et Olivier qui bourlinguent depuis un an sur leur « Chassiron »

Un vieux voilier de dix mètres cinquante rénové avec soin et très bien équipé pour la grande croisière. Il est tellement rare de rencontrer des navigateurs de moins de soixante ans que nous profitons pleinement de leur présence et de leur vitalité. Mais je le répète encore, le voyage, se sont aussi les départs. Pour eux, ce sera le Liban dans l’espoir d’un travail en construction navale, la spécialité d’Olivier.

 

Samedi 27 juin 

 

Voiles en ciseaux, nous quittons provisoirement l’île de Kithnos, cap sur Siros qu’on dit la capitale des Cyclades.

Après être restés deux jours en bonne compagnie, certes, mais secoués par cette houle vicieuse au mouillage de Kamarès, nous avons retrouvé hier le bonheur d’un mouillage paisible et solitaire dans la baie étroite d’Ioannis. Nous aurions pu y jouer les Robinson, car un puits parfaitement entretenu nous a permis de nous ravitailler en eau douce. Cette île de Kithnos est pourtant très aride, mais le fond du vallon qui s’écoule dans la baie reste humide en profondeur, permettant ainsi la survie d’une végétation maigre mais égayée par les lauriers en fleurs. Nous n’y verrons personne en dehors des chèvres et des moutons, mais la présence de ce puit et d’une aire dallée de pierres plate parfaitement circulaire, attestent d’une présence humaine. Le vallon est parcouru sur des kilomètres, de murets en pierres sèches, eux aussi en parfait état. Certaines parcelles en terrasses devaient être cultivées de céréales que l’on battait sans doute dans l’enceinte dallée.

Ce fut une nuit calme sur Casalibus ancré avec une amarre sur la plage. Si près de celle ci qu’une chèvre aurait presque pu monter à bord !

 

Dimanche 28 juin

 

Ermoupolis, dix neuf milles habitants, est sans aucun doute la capitale des Cyclades et la capitale de Siros, île modeste par la taille, mais située au centre de l’archipel. Arriver en bateau dans cette ville plus industrielle que touristique, ne présentait guère d’intérêt. Nous avons opté pour la baie de Finikas, au sud ouest de l’île, pour ancrer notre bateau hier après midi. Comme dans toutes les îles, de fréquentes liaisons en bus desservent les villages. Cela change un peu du scooter pour un prix plus que modique. Nous consacrons la soirée à la visite de cette ville authentique qui fut naguère une place commerciale importante. De nombreux armateurs s’y sont installés et les élégantes constructions témoignent de la richesse passée de leurs propriétaires. Nous retrouvons aussi l’architecture traditionnelle de la Grèce, à l’inverse des maisons cubiques blanches des Cyclades. Les toits couverts de tuiles rouges réapparaissent en même temps que disparaissent les couleurs vives des volets et des portes bleues incontournables dans l’archipel.

Bien que capitale des Cyclades, Siros est décevante, et nous repartons vers l’ouest en fin d’après midi pour découvrir sur la côte est de Kithnos, un mouillage particulièrement beau et fréquenté, dans la baie de la station thermale de Loutra. A l’approche de la côte, nous comprenons que nous avons bien fait de préférer un atterrissage en fin de soirée ce premier dimanche des grandes vacances grecques…Nous croisons d’innombrables embarcations fortement motorisées qui quittent la baie et rentrent sur Athènes et ses marinas en périphérie. La crique que nous investissons est abandonnée de tous yachts, mais en plongeant pour contrôler notre ancrage, je suis horrifié par le nombre de résidus en tout genre qui reposent sur le fond ! Encore une fois, j’ai du mal à comprendre l’incohérence des discours de nos dirigeants en ce qui concerne la préservation de l’environnement et leurs inertie a prendre les décisions qui s’imposent aujourd’hui : l’interdiction pure et simple de tout emballage

plastique !!!

 

Lundi 29juin 

 

Le plus beau mouillage de l’île est sans doute ici, à Kolona. Imaginez une plage déserte évidemment, aux eaux cristallines, complètement fermée par des montagnes et une île en extérieur et où s’écoule une source naturelle d’eau chaude ! 

Ce petit paradis se trouve sur la côte ouest de Kithnos, dans le golfe de Mérikha, port principal de l’île. Arrivé en début d’après midi, nous attendons le coucher du soleil avec impatience tant il est réputé être grandiose ici même. En attendant, nous prenons les eaux dans cette mini station thermale, allongés dans cette baignoire naturelle, le chapeau sur les yeux et seuls au monde…

 

Jeudi 02 juillet 

 

Il n’est pas coutume que nous nous attardions quatre jours au même endroit sans y être contraint ! C’est pourtant ce que nous avons fait ces derniers jours dans cette baie fabuleuse où nous avons alterné les mouillages sauvages avec nos haltes au port de Mérikha, charmant village des Cyclades oublié des touristes. Ici, pas de location de scooter, d’ailleurs les routes sont peu nombreuses, mais un bus pour nous emmener visiter la « chora » où les chapelles sont aussi nombreuses que les moulins…L’île, bien qu’aride et sèche, est parcourue de vallons fertiles que des maraîchers se disputent. D’ailleurs, les fruits et les légumes sont plutôt meilleurs marché que dans les autres îles. Mais l’atout de ces lieus sont les criques sauvages bordées de sable blanc où nous jetons notre ancre chaque soir pour un coucher de soleil toujours différent, mais immanquablement merveilleux !!! 

 

Dimanche 5 juillet 

 

Dernier jour dans les Cyclades! Nous terminons notre boucle par l’île de Kéa, dans le nord ouest de l’archipel. Ici, en plus de l’architecture non caractéristique des Cyclades et déjà rencontrée sur les deux îles précédentes, ce sont les arbres qui font leurs réapparitions. Pins et chênes verts se mélangent aux lauriers et bougainvilliers dans les villages.

Nous ferons une escale incontournable dans la baie de Nikolaou où se cache le seul port de l’île et où, en ce début juillet, tous les plaisanciers semblent s’être donnés rendez-vous ! Il est vrai que Kéa est aussi l’île des Cyclades la plus proche d’Athènes…

Dans le passé, ce port de Vourkari était un entrepôt important de charbon où les navires à vapeur venaient se ravitailler avant de remonter sur la mer noire.

Pour l’heure, nous sommes amarrés dans une ravissante crique au nord de l’île mais je doute que nous nous y retrouvions seuls à passer la nuit. Rendez-vous obligé des yachtsmen grecs, notre voilier semble bien seul au milieu de tous ces bateaux à moteur…     

 

Lundi 6 juillet 

 

Et bien si ! Nous avons vu hier au soir tous les yachts quitter le mouillage les uns après les autres, pour finalement nous retrouver seuls en ce lieu magique. Moralité, il vaut mieux avoir un petit bateau et beaucoup de congés qu’un gros navire et trop de travail…

Nous appareillons ce matin pour le port de Lavrion, sur la côte continentale. Cette escale sera une escale technique, car si ce port n’a rien d’attrayant, c’est une base importante de flottes de locations et par là même, une ville où l’on peut trouver tout ce dont on a besoin… Pour nous, ce sera une télécommande pour notre guindeau électrique. Elle a rendu l’âme depuis plus d’une semaine, et remonter manuellement vingt mètres de chaîne avec au bout, une ancre de seize kilos ! Dur sous ce soleil de plomb…

 

Jeudi 9 juillet 

 

Le cap Soumion est un endroit mythique à ne pas manquer. C’est pourtant ce que nous avions fait l’an passé, en le doublant au large. Il faut dire que les conditions n’étaient pas idéales pour y faire escale. Tout le contraire de cette année où nous avons mouillé notre ancre au pied du temple de Poséidon. « Des hauteurs de ses colonnes, vingt quatre siècles nous contemplent ». C’est surtout nous qui avons pu admirer depuis le site, le coucher du soleil sur la baie où Casalibus était ancré. Absolument merveilleux. Les mots me manquent pour faire une description précise, et encore plus pour exprimer le ressenti d’un moment aussi exceptionnel.   

 

Dimanche 19 juillet 

 

Après une semaine de navigation en compagnie de Daniel et Dominique, nous nous retrouvons à nouveau seul sur Casalibus. Le ferry qui les remmène au Pirée vient juste de disparaître derrière la péninsule de Mathéna.

Une semaine de cabotage dans le golfe Saronique en leur compagnie avec des conditions idylliques et des mouillages peu fréquentés par les plaisanciers. Une réussite pour une première expérience en croisière côtière. L’occasion aussi pour nous de découvrir des coins inconnus de notre guide nautique. Dans le sud est de l’île de Salamis par exemple où une petite crique paradisiaque nous a accueillit pour notre premier mouillage. Cachée derrière un îlot, l’endroit n’est connu que des habitués. Malheureusement, certains n’hésite pas a s’approprier les lieus en posant des corps morts qui encombrent la baie.

Nous restons deux jours au port d’Egine pour partir à la découverte de l’île du même nom. Première expérience du scooter aussi pour mon frère et notre belle sœur…nos recommandations sont insistantes tant nous craignons une chute, d’autant que nos engins ne sont pas vraiment au mieux de leur forme…Pneus lisses, rétroviseurs inexistants, feux cassés et même absence de plaque minéralogique pour l’un d’eux ! Nous arriverons pourtant sans encombre au temple d’Aphéa, vieux de deux mille quatre cents ans et toujours fière allure avec ses vingt quatre colonnes encore debout sur un total de trente quatre. Le panorama est saisissant depuis le site et la vue imprenable sur la mer et les îles environnantes. Nous retrouvons sur l’île les odeurs de pins et d’eucalyptus.

Un arrêt à Epidaure s’imposait. Haut lieu archéologique, le théâtre antique situé à une quinzaine de kilomètres du port est une merveille d’architecture. Parfaitement circulaire, pouvant accueillir douze milles personnes, l’acoustique y est parfaite. De n’importe quelle place dans les gradins, l’on peut entendre le bruit d’un papier froissé au centre de la scène ! Nous assisterons à plusieurs expériences de chanteurs improvisés qui n’auront pas besoin de s’égosiller pour se faire entendre et applaudir par tous les spectateurs du théâtre.

De mouillages en mouillages, poussés par la brise légère qui domine dans ce secteur, nous finissons ici, à Mathéa. Cette péninsule volcanique à l’est du Péloponnèse est réputée pour ses eaux sulfureuses paraît-il excellentes pour le traitement de l’arthrose. Après deux jours à barboter dans l’eau blanchâtre du mouillage et à respirer cette permanente odeur de soufre, nous constatons tous l’apparition de douleurs articulaires endormies…

Une semaine idyllique donc et qui donnera peut être à nos équipiers du moment, l’envie de récidiver malgré quelques déconvenues inhérentes à la navigation : deux téléphones portable à l’eau, les toilettes bouchées et les migraines matinales de soirées bien arrosées… 

 

Le Golfe Saronique

 

Jeudi 23 juillet

 

Il y à bien longtemps que le meltem ne faisait plus parti de notre voyage ! Il vient de faire son retour et nous oblige à attendre des jours meilleurs.

Nous sommes à Poros, petite île dans le sud du golfe Saronique absolument merveilleuse. Nous avons eu le temps de l’explorer ces derniers jours et un tour de l’île en scooter, au milieu des forêts de pins nous a charmés. 

La ville s’étage sur les hauteurs en surplombant le port où de nombreuses navettes se disputent le passage des touristes et des habitants, vers la côte continentale, distante seulement de trois cents mètres.

Nous en avons profité pour faire une escapade en face, pour découvrir cette côte du Péloponnèse, montagneuse et verte, toujours en scooter… Un site archéologique caché au milieu des citronniers est presque oublié des archéologues ! Nous déambulons parmi les vestiges, absolument seuls, en nous imaginant entourés par les milliers d’habitants se rendant au temple ou au marché vingt siècles plus tôt…

Une petite route de montagne nous conduit au « pont du diable » sous lequel coule une rivière à l’eau fraîche. Quelques mètres plus loin se cache une arche naturelle recouverte de végétation luxuriante et qui relie les deux rives abruptes du torrent. Les lauriers et les platanes majestueux qui bordent le cours d’eau accentuent cette impression de fraîcheur bienfaitrice.

 

Samedi 25 juillet

 

Nous avons quitté le mouillage de Tsélévinia ce matin. Ce lieu sauvage contrastait avec les trois nuits urbaines passées  sur Poros. Cela aurait put être le bonheur si la houle du large n’avait pas décidée de rentrer dans la crique en fin de journée…Mais ce ne fut pas le pire ! Les guêpes ont pris d’assaut notre bateau et il a fallu attendre la nuit pour pouvoir enfin allumer le barbecue et manger sans ennui dans le cockpit. Des centaines de ces bestioles tournoyaient à l’intérieur de la bouteille d’eau sucrée confectionnée en piège quelques jours plus tôt. Très efficace cette bouteille percée de trois trous, traversée de bouts de tuyaux débouchant à l’intérieur…

Nous sommes amarrés ce soir dans le port bondé d’Hydra. Seul port de cette île entièrement piétonne, les chances de pouvoir y faire escale sont plus qu’aléatoires ! Nous avons été devancés de quelques minutes par un autre voilier qui s’est approprié la dernière place disponible. Oh rage, oh désespoir ! Talonnés de près par d’autres bateaux, nous jugeons possible de nous insérer entre deux navires qui semblent avoir pris un peu leurs aises…En accostant par l’étrave, et avec un peu de collaboration de leurs parts, nous devrions pouvoir caler nos trois mètres vingt entre eux deux! Nous leurs faisons comprendre notre intention avant de jeter le mouillage arrière en nous avançant doucement, après avoir relevé nos pare battages. L’un d’eux refuse d’enlever son annexe, gênante pour notre manœuvre, alors que l’autre reprend un peu ses amarres pour nous faciliter la tâche. Je comprends qu’il faut que j’insiste et continue d’avancer. Il reste très peu de temps au récalcitrant pour s’exécuter, sous peine de voir son annexe écrasée contre le quai. Notre détermination finit par le faire se jeter sur l’amarre de son canot et l’amener en catastrophe sur son arrière en la remontant rapidement sur le quai, alors que son voisin récupère nos aussières et nous amarre, un sourire au coin des lèvres… 

Ce petit port d’Hydra est évidemment charmant, mais extrêmement touristique et bruyant…Construit comme souvent, en espaliers à flanc de colline, les maisons sont ici plutôt cossues, voir majestueuse. Hydra fut en effet une place forte au moment de la guerre d’indépendance, et de nombreux armateurs installés ici participèrent, et à cette guerre, et à l’essor qui s’en suivit.

 

Dimanche 26 juillet

 

Nous étions plutôt pressés de laisser Hydra et ses touristes au réveil ce matin ! Après une nuit épouvantable au quai de la ville, il nous fallait relever notre ancre, mouillée parmi toutes les autres…Nous avions pu assister à certaines tentatives de la part d’autres candidats au départ, et nous appréhendions cet instant ! Etre obligé de plonger dans le port et son eau douteuse ne m’inspirait pas beaucoup. Finalement, nous ne crocherons qu’un seul mouillage dont nous nous libérerons après une ou deux savantes manœuvres et sans nous mouiller…

Ce soir, nous sommes inviter à prendre l’apéritif sur un catamaran français ancré près de nous sur l’îlot de Dhokos et nous retrouvons les plaisirs simples de nous baigner dans une eau translucide et de ramasser des bigorneaux sur les rochers. La nuit devrait être sereine…

 

Lundi 27 juillet

 

Nuit sereine disait-il ! Nuit pénible se fut…Réveil à quatre heures du matin, secoués par des rafales à quarante nœuds qui font gîter le bateau et déraper notre ancre ! Il faut être réactif et agir rapidement car nous sommes très proches de la plage. Dans la baie, c’est le branle bas de combat pour tous les bateaux ! Certain décident de quitter les lieux. Nous ne sommes pas très tentés car nous apercevons les rouleaux à la sortie de la baie. Nous nous éloignons du rivage et laissons filler nos quarante mètres de chaîne. Nous tenons, mais il sera difficile de nous rendormir compte tenu du clapot que lève le vent…Le jour se lève. Un coup d’œil sur le navtex nous confirme qu’un nouveau coup de vent s’installe pour plusieurs jours. Nous voulions rallier le port d’Ermioni. Nous nous rendons vite compte que ce ne sera pas possible avec ce vent dans le nez et cette houle cassante. Patrice, du catamaran français nous annonce qu’ils appareillent pour Porto Khéli, quinze milles dans le sud. Nous ne pouvons pas nous permettre d’être bloqués sur cette île déserte pendant plusieurs jours. Nous décidons de les suivre. La mer est démontée, mais au portant, nous ne devrions pas trop souffrir. Un des voiliers sortis au petit matin revient au mouillage et nous annonce que la mer est trop forte. Ils ont tentés désespérément de remonter au vent, moteur à fond. Mission impossible évidemment…

Nous sortons de la baie, génois et grand voile enroulés de moitiés. Rapidement, nous surfons sur des vagues de trois mètres, à près de huit nœuds…et sommes dépassés par Patrice et ses trois équipiers. Ils nous diront plus tard avoir atteint les quinze nœuds dans les surfes !

Trois heures plus tard, nous mouillons notre ancre derrière l’îlot de Khinitsa, à l’entrée de Porto Khéli. Le vent est tombé et la mer sans une ride nous laisse voir ses fonds de sable claire. Notre petit blanc de midi est largement mérité. Je flatte intérieurement Casalibus pour sa vaillance dans cette première navigation par force huit…

Ce soir, nous avons retrouvé nos compagnons d’infortune dans une petite crique sauvage, parfaitement protégée dans ce golfe de Porto Khéli où les mouillages sont nombreux. Le meltem peut se surpasser, nous dormirons sur nos deux oreilles. 

 

Mercredi 29 juillet

 

Nous sommes toujours à Porto Khéli, car cette baie, et plus particulièrement la crique où nous sommes ancrés, est un havre de paix où nous nous sentons bien. Ajoutez à cela la présence amicale du voilier Altaïr, le catamaran de Françoise et Patrice, et vous comprendrez notre envie de sédentarisation ! Il faut dire que l’hospitalité et la bonne humeur de l’équipage est exemplaire. Nous avons passé hier au soir une excellente soirée ensemble, après une mini croisière sur l’île de Spétsai à bord de ce catamaran atypique. Roger nous a fait découvrir ses talents oubliés de guitariste, sur mon humble guitare classique, achetée quatre sous en Sicile, il y a trois ans. Et bien, il m’a fallut cette occasion pour me confirmer que j’avais fait une bonne affaire…et surtout, qu’un bon ouvrier n’a jamais de mauvais outils !

 

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Vendredi 31 juillet

 

Koiladhia, petite baie profonde nichée derrière le cap Kokkinos et protégé par sa petite île privée. C’est ici que nous avons retrouvé Altair et son équipage accompagné de Moka, superbe ketch de fabrication suédoise au roof d’acajou et au pont de teck. Leurs propriétaires, Catherine et Christian, sont des retraités adorables au parcours surprenant. Catherine a toujours navigué et depuis cinq ans, ils croisent en Méditerranée à la belle période.

Aujourd’hui, Patrice nous a emmenés, avec sa voiture (il hiverne son bateau ici et fait les voyages en voiture depuis la France) voir une curiosité pourtant absente des guides, mais tout du moins surprenante. Le cratère d’une météorite tombée dans la plaine voisine, il y a sans doute fort longtemps, et complètement invisible des passants. Entourée de pins, ce trou gigantesque et profond d’une cinquantaine de mètres, est parfaitement circulaire. Un tunnel, creusé dans la roche, permet de descendre au fond du cratère où les populations alentours venaient se cacher à l’époque de l’occupation turque. Une petite chapelle, de même qu’un Hermitage, ont été construis sous le surplomb de la falaise, envahie de câpriers.

En fin de matinée, nous levons l’ancre pour rejoindre la baie de Khaidhari, plus à l’ouest dans ce profond golfe d’Argolicos. Nous savons que nos routes se croiseront prochainement, dans le port de Nauplie où chacun se promet d’aller…

 

Samedi 8 août

 

Cette fois, nous avons quitté définitivement la mer Egée. A sept heure ce matin, nous appareillions du port de Monemvasia, dernier refuge pour les bateaux qui descendent le long de la côte du Péloponnèse, avant de passer le fameux cap Maléas. Fameux par sa réputation, colportée par tous les marins qui l’ont franchi. Les guides nautiques ne sont pas plus optimistes dans la description qu’ils en font. Toujours est t’il que, c’est un point obligé pour passer en mer Ionienne sans emprunter le canal de Corinthe.

Choisir un bon créneau météo et partir tôt ! Nous laissons derrière nous cette très jolie vieille ville de Monemvasia par vingt nœuds de vent portant. Nous savons qu’il va forcir au cours des heures à venir, mais qu’il restera de nord une fois passé le cap Maléas. Après deux heures et demie de navigation rapide le long de la côte, nous contournons le cap par le large afin d’éviter les rafales qui tombent des hautes falaises par meltem. Nous prenons maintenant le vent par le travers et notre vitesse augmente excessivement. Plus de huit nœuds, c’est grisant…jusqu’au moment où une rafale nous fait partir au lof après une forte gîte qui trempe notre génois sur un mètre de haut…Stop ! Réduire la voilure en urgence (merci les enrouleurs !). Nous terminons notre navigation avec un bout de grand voile seulement et un génois à moitié enroulé. Je prends la barre en main car notre pilote automatique n’est pas assez puissant dans de telles conditions. A midi, nous laissons tomber notre ancre sur le sable blanc de la baie de Frangos, dans le sud de l’île d’Elafonisos, nous sommes en mer Ionienne…

Quitter cette côte du Péloponnèse nous a coûter, tant nous avons aimé son ambiance. Moins de tourisme que dans les Cyclades, plus de verdure et des mouillages moins encombrés. Hier au soir, un couple de tortues m’a accompagné dans ma dernière baignade en mer Egée, dans les eaux claires de la baie de Monemvasia. Pendant cinq minutes, nous avons nagés de concert, à deux mètres seulement les uns des autres, doucement, en nous épiant du coin de l’œil. Inoubliable instant de bonheur…

Nous avons retrouvé nos compatriotes et compagnons de route à Nauplie. Cette ville est magnifique, même si son port l’est beaucoup moins ! Ses nombreuses ruelles pavées aux terrasses ombragées et aux façades fleuries sont une invitation à la déambulation. Nous y dénichons une petite taverne comme nous les aimons et nous promettons d’y venir manger le soir même avec l’équipe. Ils veulent bien changer leurs habitudes et nous suivent pour la découverte d’une nouvelle bonne table. En arrivant, nous nous étonnons de la familiarité du patron avec Catherine et Christian. Il s’agit en fait de leur adresse préférée, celle où ils ont mangé la veille et à chacune de leurs escales à Nauplie. Mentionnée dans le Routard à juste titre. Pour information, cette ville compte plus de cent restaurants…

Nauplie est aussi le terminus d’une ligne de chemin de fer qui la relie notamment à Athènes, mais qui ne possède pas de gare ! Une simple rame composée d’une ancienne locomotive à vapeur et de deux wagons d’époque en parfait état, font office de guichets ! Lorsque l’équivalant de nos TER moderne arrive en gare, le contraste est saisissant entre ces deux trains accouplés.

 

Jeudi 13 août 

 

Githion est situé au fond du golfe de Lakonikos. Port principal de Sparte dans l’antiquité,  c‘est un lieu très peu fréquenté des plaisanciers et des touristes en général, ce qui donne une petite note d’authenticité à la ville et à ses habitants. Beaucoup de tavernes tenues par des pêcheurs. C’est d’ailleurs dans ce golfe de Lakonikos, au port d’Elafonisos, que nous avons mangé un soir le meilleur plat de poissons en Grèce. Un assortiment de fritures et de marinades de poissons et crustacés. Un régal de fraîcheur et de goût…

Nous avons dut, pour accéder à ce petit port, franchir le chenal d’Elafonisos entre l’île et le continent. Sa particularité en est sa faible profondeur, moins de deux mètres à certains endroit, et son passage nécessite une parfaite connaissance des lieus…que nous n’avons pas, évidemment! Nous nous fions à notre guide nautique qui le décrit parfaitement et finalement, profitons du sillage d’un ferry qui fait les navettes entre les deux côtes. S’il passe avec ses deux mètres de tirant d’eau, nous ne devrions pas avoir de problème. Nous le repasserons le lendemain matin dans l’autre sens, sans problème, et en grands connaisseurs…    

Depuis près de trois mois, nous n’avons pas vu la trace d’une averse, aussi légère soit elle. Trois mois sans une goutte de pluie pour rincer le pont de Casalibus, ses voiles et ses cordages devenus rêches. Aussi, lorsqu’hier matin, au petit port de Plitra, nous constatons la présence d’un tuyau d’eau sur le quai, nous en profitons pour rincer abondamment notre bateau. Nous avons l’impression que, comme une plante verte assoiffée que l’on arrose, il ruisselle de plaisir sous l’ondée bienfaitrice. Le soir même, dans ce très beau mouillage de Githion, un orage carabiné tombe sur la baie noyant les rues pendant plus d’une heure, nous obligeant à une attente forcée à la terrasse couverte d’une taverne... Le poisson prévu à bord, sur le barbecue, est reporté au lendemain !

D’ailleurs, ce soir, nous serons encore là, car ce matin, suite à une mauvaise information, nous avons loupé le car qui devait nous emmener à Mistra, village médiéval situé à une cinquantaine de kilomètres à l’intérieur des terres. Nous ne partirons pas sans avoir fait cette excursion immanquable au dire de tous !

Deux autres voiliers viennent de mouiller dans la baie. On en est presque heureux  tant nous ne rencontrons de navigateur dans ce golfe !

 

Samedi 15 août 

 

Effectivement, faire l’impasse sur ce site de Mistra aurait été une grave erreur ! Une merveille. Ce n’est pas tant le site par lui même ni même les ruines d’un village médiéval important, mais la qualité de conservation des nombreuses églises byzantines et de leurs fresques murales d’origine ! Un peu comme si, ici, la succession des guerres pendant cinq siècles, avaient épargné chaque église, un monastère et la plupart des chapelles encore debout.

Ce soir, nous sommes au mouillage dans la baie de Porto Kayio, à l’abri du cap Tainaron, de fière réputation également…

Le lieu est d’une beauté digne des plus belles cartes postales. Cette crique profonde est entourée de falaises et dominée par un monastère noyé dans la verdure. Le petit village en bord de plage est devenu une station balnéaire préservée où règne la tranquillité. En ce jour de fête religieuse, nous assistons à une procession de fidèles qui se rendent à la chapelle du bout de la pointe, accompagné du pope de service, tout de noir vêtu, et fraîchement débarqué de son coupé BMW flambant neuf !

 

Lundi 17 août 

 

Nous sommes ancrés dans la grande baie de Liméni dans le golfe de Messinie, après avoir franchi sans problème, par mer plate, le cap Tainaron hier matin.

La côte est de ce golfe est entourée de hautes montagnes aux sommets décharnés mais aux pentes boisées jusqu’à la mer. On y retrouve une végétation plus occidentale avec d’énormes platanes sur les places des villages et les grandes plaines qui s’écoulent vers le littorale sont vertes de cultures diverses.

Le mouillage est vaste et les eaux claires. Seule la longues houle du sud trouble notre sérénité…Nous portons une ancre légère par l’arrière afin de tenir Casalibus face à elle. Le confort s’en trouve amélioré.

Nous avons visité ce matin une grotte marine de grande réputation. Une galerie de près de deux kilomètres que nous parcourons à bord de barques à fond plat, où notre gondolier slalome entre les stalactites à l’aide d’une pagaie. L’excursion est impressionnante et l’éclairage de toutes ces merveilles est superbe.

Cette journée aura été riche en découvertes culturelles, car nous sommes tombés par hasard, dans le petit hameau qui borde la plage, sur une exposition d’art contemporain digne des plus grands musées. Impossible à décrire pour le novice que je suis, mais réellement originale.

 

Vendredi 21 août 

 

Casalibus s’extrait doucement de la marina bondée de Kalamata où nous sommes restés deux jours. Cette ville est adulée par les uns, décriées par d’autres. Le principal intérêt, c’est son grand marché couvert qui se tient tous les matins et le choix innombrable de fruits et légumes qui s’y vendent. Malheureusement, la marina est très chère, même si l’accueil y est sympathique. Ces deux nuits passées ici nous ont fait regretter le mouillage précédant de Kardamila où nous étions ancrés, seul, derrière le petit îlot en face du petit port de pêche. Un village ravissant où se restaurent de vieilles maisons médiévales.

 

Dimanche 23 août

 

Nous passons notre deuxième soirée dans le calme de la baie de Koroni. Ici, plus de houle désagréable pour nous bercer la nuit. Le mouillage est protégé par la pointe de Livadhia surmontée de son fort vénitien, et par la grande digue du port. Encore un endroit merveilleux que ce village de Koroni entouré de verdure. La vie y est paisible et je ne vois pas ce qui pourrait troubler la quiétude des habitants ! Nous avons assisté à la sortie de la messe, à l’ombre des platanes et des pins qui entourent l’église. D’ailleurs, difficile de savoir quand se termine la célébration, car il y a autant de monde à l’extérieur qu’à l’intérieur. Les fidèles rentrent et sortent à leur convenance et les enfants s’égaient bruyamment sur les marches de l’édifice sans troubler le moins du monde le sermon du pope, retran

smis au dehors par un haut parleur. Des bans sont installés devant l’église où des corbeilles de pain et de confiseries locales attendent la sortie des paroissiens.

L’enceinte du fort abrite un monastère de religieuses ouvert au public. La même sérénité règne ici. Des nones, assises à l’ombre des citronniers nous saluent d’un large sourire. D’autres s’occupent à l’arrosage du magnifique potager qui les nourrit sans doute. Une adorable chapelle semble veiller sur ces femmes à la mine heureuse. Une église byzantine assez bien conservée, se dresse en extérieur du monastère.

Inutile de préciser que, depuis le haut des remparts, la vue s’étale sur la baie et le port d’un côté, et sur la côte déchiquetée à perte de vue de l’autre…

 

Mercredi 26 août

 

Nous remontons cette fois définitivement vers le nord ! Nous avons doublé le dernier cap du Péloponnèse lundi matin, en passant entre L’île de Venétiko et la côte. Ce cap d’Akritas marquera pour nous le début de notre remontée de la mer Ionienne.

Aujourd’hui, nous avons atteint la petite île de Sapiéntza et le mouillage sauvage de Porto Longos. Sauvage, il pourrait l’être plus s’il n’était encombré de deux fermes marines ! Ce sont d’ailleurs les seuls habitants de l’île. Cette grande baie est entourée de côte rocheuse et fermée par un îlot protecteur. On s’imagine difficilement que les fonds sont de sable tant que l’on n’a pas pénétré largement à l’intérieur. Notre ancre repose par quatre mètres sur un fond sablonneux parfaitement blanc.

La pêche ne m’ayant pas beaucoup sourit cette année en dehors de mes cueillettes d’oursins ou de bigorneaux, je me dis que la présence de ces élevages de poissons doit forcément attirer d’autres poissons en quête d’une nourriture facile. Je m’arme de mon masque et tuba, de mes palmes et de mon fusil et file en annexe à proximité des installations. A peine ai je mis le nez sous l’eau que je suis fou d’excitation à la vue de ces énormes mulets et dorades qui tournent autour de moi. Un seul de ces poissons nous suffira pendant deux jours. J’arme mon fusil…qui se casse dans mes mains. Le caoutchouc trop vieux s’est rompu en même temps que s’est évanoui mon rêve de pêche miraculeuse. Je me console en rapportant au bateau les plus beaux oursins ramassés cette année.

Ce soir, nous avons débarqué sur l’île au coucher du soleil. Simplement se dégourdir les jambes et faire quelques photos du mouillage. Une surprise inattendue nous y attend. Nous débusquons une dizaine de chevreuils qui s’enfuient en sautant par dessus les genévriers ! Nous pensions y voir des chèvres ou des moutons comme c’est le cas si souvent, mais découvrir des chevreuils sur cette île minuscule nous laisse perplexe. Une tortue, sans doute effrayée par ce vacarme, sort de dessous les buissons et nous observe d’un œil inquiet…

Décidément, depuis quelques jours, nous enchaînons les mouillages enchanteurs. Lundi, nous avions déjà découvert une de ces merveilleuses criques aux eaux limpides et calmes. Aucun accès par les terres. Seul un petit groupe de naturistes avait investi les lieus pour y planter leurs tentes. A deux pas du port de Finakounda, nous ne pouvions pas refuser une aussi agréable escale…

 

Jeudi 27 août

 

Methoni et sa forteresse vénitienne ! Chaque navigateur rencontré sur notre route nous ventait cette citée fortifiée située dans l’extrême sud ouest du Péloponnèse. Et ils avaient bien raison, tous, car elle nous a charmés dès notre arrivée ce matin. La baie tout d’abord, très bien protégée par le cap Soukouli flanqué de sa tour hexagonale construite par les turques et par la digue du port antique. La petite place ombragée ou s’écoule la vie tranquille des habitants qui discutent aux terrasses des tavernes devant l’incontournable verre d’ouzo. Et puis cette citadelle entourée de ses remparts infranchissables, cernés côté est par un vaste fossé et par une haute falaise côté mer. Une partie du fort a été restauré et une autre est en court. En Grèce, en court signifie « en attente de poursuite des travaux depuis quelques années ! » Les échafaudages mangés par la corrosion sont en place depuis très longtemps… La visite est néanmoins impressionnante. En prime, ce soir, les ruines se sont habillées d’éclairages orange et jaune du plus bel effet… On ne pouvait pas rêver mieux pour inaugurer une nouvelle recette de tartare de poisson à la crème d’oursin. Un véritable régal…un grand secret aussi…

 

Dimanche 30 août

 

En escale depuis trois jours dans la baie de Navarinou, nous jetons l’ancre une nouvelle fois dans le nord ouest du golfe. Cette indentation complètement fermée est une véritable petite mer intérieure. Seule la marina de Pilos, dans le sud, est décevante. Eloignée de la ville et encombrée de bateaux ventouses, nous n’y avons passé qu’une seule nuit.

La citée de Pilos quand à elle, est des plus agréable. Sa grande place centrale, ombragée de gigantesques platanes plus que centenaire, est le lieu de vie des habitants de tout âge. Une ambiance chaleureuse, gaie et vivante. Alors que nous rentrons dans une boutique de matériel nautique, le patron nous propose immédiatement un petit rafraîchissement maison à base d’orange. Nous repartons avec un nouveau tendeur pour mon fusil arpon et…une bouteille d’huile d’olive artisanale gracieusement offerte ! Un geste de sympathie purement gratuit de sa part. Il sait que nous sommes marins de passage et qu’il ne nous reverra sans doute jamais. J’aime de plus en plus ce pays, j’aime de mieux en mieux ses habitants. Que de leçons nous auront-ils données à nous, les « biens pensants ».

Nous assistons une nouvelle fois au coucher du soleil sur la lagune qui ferme l’étroit passage qui sépare le golfe de la mer. En extérieur, la houle vient se briser sur les rochers. Nous sommes bien et cette nuit sera sereine, sans aucun doute.

 

Mercredi 2 septembre.

 

Cette fois, la boucle est bouclée ! Demain, nous serons au port de Zakintos d’où nous étions partis en juin 2008 pour gagner le golf de Patras et rejoindre la mer Egée. Que de milles parcourus depuis, que de souvenirs, que d’îles visitées, que de belles rencontres faites !

La dernière en date, c’est Olivier (encore un), découvert ici, dans ce port de Katakolon. Un résident italien de nationalité belge, parti cette année d’Italie pour quelques années sabbatiques à bord de son « rêve de Polynésie », un ancien mais très beau bateau de voyage. Fraîchement débarqués après une longue navigation commencée très tôt hier matin depuis Marathoupolis, nous sympathisons rapidement devant une bière qu’il nous propose de prendre à bord de son voilier en compagnie de son frère. Des informations mutuelles échangées, nous prendrons le train le lendemain pour Olympe. Olympe la mythique, l’originelle, la mère de tous les sports. Située à une cinquantaine de kilomètres du port de katakolon, cette incursion dans les terres par le rail est une première pour nous. La rame est flambant neuve, et les passagers composés d’un mélange de touristes et d’autochtones, les uns allant à Olympe, les autres au marché de Pirgos, grande bourgade à mi chemin. Nous sommes étonnés du nombre de coup de sirène que le conducteur lance au milieu de cette campagne maraîchère. La réponse nous est donné par Olivier : ici, les passages à nivaux ne sont pas protégés ! Un simple panneau « stop » aux intersections…

Quand au site d’Olympe, s’il n’a rien d’extraordinaire par la grandeur de ses monuments historique, il y règne une atmosphère particulièrement magique. Ici sont nés les jeux olympiques dans le même esprit de partage et de fraternité qu’ils le sont encore aujourd’hui, mais sans le poids économique actuel qui les entachent de mercantilisme et d’hypocrisie. Je pense notamment aux derniers en date et je ne peux oublier qu’ici même, des membres de Reporters sans frontière ont été arrêtés pour avoir oser déployer une banderole sur laquelle les anneaux olympiques étaient représentés par des menottes, lors de la cérémonie de départ de la flamme. Un an plus tard, que reste-t-il des promesses des autorités chinoises d’ouverture et de liberté ? L’ombre de la honte qui a planée sur ces jeux a assombri le paysage olympique pour toujours.

Le musée archéologique du site est l’un des plus beaux et des plus intéressants que nous ayons visité…

 

Samedi 5 septembre

 

Nous découvrons un lieu que nous ne connaissions pas malgré notre précédent passage dans le secteur l’année dernière. Il s’agit d’Argostoli sur l’île de Céphalonie. Nous y sommes arrivés ce matin après quelques heures de navigation depuis Zakintos. Située dans le sud ouest de Céphalonie, cette ville qui en est la capitale, est cachée au fond d’un profond fiord, protégé par une pointe érigée d’un phare de style dorique, une particularité de cette île.

La ville, bien que d’architecture récente, est harmonieuse et plutôt sympathique. Entièrement détruite par un tremblement de terre en 1953, elle fut reconstruite au même endroit dans un cadre agréable de verdure. Un marché s’y tient tous les jours et des pêcheurs vendent leurs poissons directement sur le quai. Des tortues marines viennent quémander les invendus à la grande satisfaction des touristes qui les mitraillent de photos. Il faut dire que ces tortues ne sont guère farouches. Se frottant contre le quai et les coques des bateaux, leur carapace est couverte de résidu de peinture de toute couleur…

C’est ici que nous ferons nos adieux à la Grèce, et traverserons la mer Adriatique pour rejoindre le sud de l’Italie. Les conditions météorologiques semblent favorables pour mardi prochain. Deux cents milles nautiques nous attendent, une quarantaine d’heures sur la mer. Pas grand chose, mais une première pour nous… 

 

Jeudi 10 septembre

 

Roccellia Ionicca, Calabre, ses pizzerias, ses gardes côtes omniprésents, nous sommes bien en Italie ! Dire que nous avons effectué une belle traversée serait mentir. Affirmer le contraire ne serait pas juste puisque nous sommes arrivés à bon port, et en moins de temps que prévu ! Mais prétendre que ce fût un plaisir, certainement pas. Trente trois heures de navigation par  grosse houle de travers, avec des creux de quatre mètres, c’est être malade pendant trente trois heures ! Cela correspond aussi à passer trente trois heures sans manger ni boire. C’est enfin arriver dans un état physique tel, que l’on lit l’inquiétude dans les yeux des gens que l’on croise sur le ponton ! On dit que toutes les expériences sont constructives ? Je dirais que l’unique point positif sera ma détermination de ne plus jamais, mais alors plus jamais partir le lendemain d’un coup de vent…

La météo prévoyait vingt cinq à trente nœuds de vent la veille de notre départ et quinze nœuds pour le lendemain. Quinze nœuds de vent par le travers, on ne pouvait rêver mieux. Par mer calme oui, mais pas avec la houle résiduelle d’un coup de vent. Et comme en mer, un problème n’arrive jamais seul, trois heures après notre départ, alors que le vent avait tendance à faiblir et que nous nous appuyions au moteur depuis une heure, un méchant bruit d’échappement sec m’indique, avant l’alarme de surchauffe, qu’il y a un problème de refroidissement de la mécanique ! Il n’y a pas d’alternative possible, je dois mettre le nez dans le moteur, ce que je fais entre deux vomissements… La turbine de pompe à eau, changée en début de saison, présente une anomalie. Le caoutchouc s’est désolidarisé de l’axe qui tourne donc dans le vide. Vingt minutes plus tard, Brigitte relance le moteur tandis que je contribue au remplissage du sceau et par la même, à l’alimentation des espèces aquatiques de la mer Ionienne…

 

Dimanche 13 septembre

 

La pluie semble s’être installée durablement sur la région. Depuis deux jours, les orages se succèdent. Nous sommes amarrés dans cette marina sans attrait, mais qui a l’avantage d’être calme et très bien protégée. Lors de notre précédent passage il y à trois ans, elle était gratuite. Aujourd’hui, il est demandé vingt Euro par jour à tous les bateau et ce, quelque soit leurs  dimensions ! Heureusement, le préposé, policier municipal de titre, n’est guère motivé. Et surtout, il est réglé comme une horloge et passe quémander son dû chaque jour à la même heure. Il suffit de ne pas se trouver sur le bateau quand il se présente. J’ai rarement vu tant de ponctualité chez les marins pour le rendez-vous « bière » au bar du port ! Nous nous y retrouvons tous à dix sept heures, pour une durée dépendant uniquement de l’état d’esprit de notre fonctionnaire…

Un voilier de location de quarante pieds est immobilisé et mis sous scellés depuis jeudi. Il avait été «détourné » par une vingtaine de clandestins en provenance de Libye et désireux de gagner l’Europe. Tous transférés le jour même, nous n’auront aucune autre information sur leur devenir…  

Notre attente dans ce port a une raison. Mon frère Daniel doit nous rejoindre demain soir avec Michel, un autre équipier, breton de son état. Nous convoierons Casalibus vers sa destination finale, le port à sec de Port Saint Louis du Rhône où il sera mis en vente. Brigitte quand à elle, remontera la voiture, chargée d’une multitude de choses accumulées durant ce long périple en Méditerranée.

Nous avons profité de cette halte pour visiter le parc national de la Calabre, et avons loué une voiture pour l’occasion. Cette région de l’Aspromont est saisissante de contraste par rapport au reste du sud de l’Italie. En ce mois de septembre, à 1200 mètres d’altitude, la température est plutôt fraîche et la pluie n’arrange rien. Nous sommes à Gambarie, petite station de ski et la seule je pense, de la Calabre. Arrivés ici en sandale, nous ne tardons pas à investir le premier magasin de sport pour y faire l’achat de deux paires de baskets…Mon inquiétude, le matin même, en quittant le bateau de savoir si notre chambre d’hôtel était bien équipée d’une climatisation, me parait alors bien dérisoire !     

 

Mercredi 16 septembre

 

Il est vingt deux heures. Nous sommes amarrés dans la marina de Riposto. La pluie s’est remise à tomber, mais nous ne nous en apercevons même pas. Nous venons de rentrer dans ce port, à la nuit et à l’estime. Aucun feu d’entrée si ce n’est une minuscule lampe flottante rouge en guise de balise bâbord. Guidés par le bruit des rouleaux qui se brisent sur la plage et la digue, dans une confusion inquiétante. Nous sommes épuisés Daniel, Michel et moi par cette navigation dantesque pour rejoindre ce port de Sicile.

Partis à six heures trente ce matin après de longs adieux à Brigitte sur le quai de Roccellia, nous nous retrouvons en pleine tempête d’équinoxe, à quatre heures de navigation des côtes sicilienne, dans le sud du détroit de Messine. Aucune prévision météorologique n’avait annoncé ce phénomène lorsque nous avons vu le ciel se noircir dans l’ouest et le vent forcir rapidement. Michel est un marin aguerri, mais nous nous inquiétons pour mon frère à qui nous demandons de rester dans le carré. Nous l’occupons à ranger ce qui pourrait tomber et à nous faire passer harnais et cirés, mais le mal de mer a vite raison de lui. Le vent monte toujours et mon inquiétude aussi. Je finis d’enrouler les voiles lorsque notre pilote est arraché de son support. Michel reprend la barre. Nous sommes à sec de toile. Nous prenons la cape alors que des creux de quatre à cinq mètres déferlent sur nous. Le bateau se comporte bien, mais les coups de gîte sont de plus en plus violents. Le mal de mer m’assaille à mon tour. Vomir sous le vent devient impossible et dérisoire compte tenu de sa force. Nous n’avons plus d’anémomètre, mais nous apprendrons plus tard que sur la côte, des rafales ont atteint les soixante nœuds ! Une vague sournoise arrache notre survie et son support fixés sur le roof. Calée contre un chandelier à moitié immergé, il faut faire vite au risque de la perdre. Je me précipite en espérant que la longe de mon harnais sera suffisamment longue pour que je puisse l’atteindre. Nous la sauvons en l’amarrant in extrémiste avec l’écoute de génois. J’ai de l’eau jusqu’aux genoux et j’appréhende l’arrivée d’une autre déferlante qui ferait gîter un peu plus Casalibus et m’enfoncerait par la même un peu plus dans cette mer devenue noir. La visibilité est nulle tant les embruns nous entourent. Nous ne distinguons plus la houle et les vagues  nous surprennent à chaque fois qu’elles viennent nous frapper. J’ai peur mais ne le montre pas ! Par orgueil sans doute, mais aussi pour ne pas aggraver l’inquiétude générale et particulièrement celle de mon frère pour qui cette situation est une première. Aucun signe de panique non plus chez Michel qui restera d’un calme exemplaire durant toute la navigation. Michel dont j’avais fait la connaissance à l’embarquement, la veille seulement et que j’avais recruté d’après deux critères : il m’était recommandé par Guy, équipier sur Casalibus à deux reprise, et amis de longue date, mais aussi pour le seul fait qu’il est marin et Breton ! Je n’aurai jamais à regretter mon choix, à tous les nivaux !           

  

Vendredi 2 octobre.

 

Casalibus est perché sur son ber au chantier naval « Navi Service » de Port Saint Louis du Rhône. Retour à la case départ cinq ans après notre passage dans ce chantier pour le rematage de notre voilier. Ce périple en Méditerranée s’achève ici ! La décision de ventre notre compagnon de voyage est prise, sans regret, sans nostalgie. Une nouvelle page se tourne pour nous. Ce n’est pas la première et encore moins la dernière dans notre vie commune Brigitte et moi, vie commune faite de parenthèses et de changements. Une seule certitude, nous aurons à nouveau un voilier dans un proche avenir…

 

 

 

 

 

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