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30 mai 2013 4 30 /05 /mai /2013 09:24

QUATRIEME PARTIE : de Prévéza aux Sporades du nord. (Eté 2008)

 

De Levfkas à Kastos 

 

 

Vendredi 6 juin 2008.

 

Le plus dur en navigation saisonnière, ce sont les jours qui précèdent le départ ! On ne s’imagine pas le travail que représente un bateau que l’on a délaissé pendant huit mois dans un chantier naval…

Partis mardi de nos montagne pour un voyage de deux jours où train, avion, taxi et bus se sont succédés, nous astiquons, bricolons et « mécaniquons » depuis quarante huit heures sans relâche ! Finalement, hiverner à terre ne donne pas moins de travail pour la remise en état d’un bateau. Il faut dire que les nombreux eucalyptus sous lesquels « Casalibus » s’est reposé pendant l’hiver y sont pour beaucoup ! D‘ailleurs, même les oiseaux ont apprécié. Un couple de moineaux avait même entrepris de nicher à l’intérieur de la bôme. Et puis la poussière du chantier déposée par les vents d’hiver et qui s’infiltre partout !!!

Mais demain est le grand jour. Celui de la remise à l’eau de « Casalibus », prêt pour la suite de l’aventure. Le début du voyage, le vrai, celui que seuls le plaisir et le vent ne motive.

 

Dimanche 8 juin.

 

De retour à Nidri ! De retour en terrain connu d’ailleurs ! Nous avons l’impression d’avoir quitté ce lieu charmant hier seulement. Même la patronne du cyber café nous a reconnus et accueillis chaleureusement. Il faut dire que nous y avons fait plusieurs séjours l’an passé, réglant des problèmes administratifs importants rapport à un certain passeport…

Il y a malheureusement toujours autant de bateaux au mouillage. Les mêmes pour certains. A croire qu’ils ont passé l’hiver ici.

En ce qui nous concerne, c’est un véritable plaisir de retrouver cette « baie tranquille » (c’est son nom !), bordée de cyprès et d’oliviers, et contrairement à l’an passé, aux eaux claires et transparentes (nous sommes en début de saison !).

Hier matin, comme convenu, Dimitri, le patron du chantier naval de Préveza, a procédé à la remise à l’eau de Casalibus, de la même manière qu’il l’avait sorti. C’est assez impressionnant de voir son bateau sur le dos d’une remorque qui s’enfonce doucement dans l’eau sur un plan incliné, tel une vulgaire barcasse. Un travail de précision exécuté de mains de maître. Et il est encore plus réjouissant de constater que Casalibus flotte à nouveau, sans embûche et docile comme un fidèle cheval prêt pour la balade.

Nous n’avons d’ailleurs pas attendu longtemps pour le mettre à l’épreuve. C’est par quinze nœuds de près serré que nous avons embouqué la passe de Préveza, par mer formée, direction le canal de Levka. Une heure et demie d’une courte navigation qui nous permis de tester, et le bateau, et l’équipage ! Il semble que les deux se sont bien réadaptés à l’élément marin.

Levka aussi ne nous était pas inconnu. Nous avons jeté l’ancre dans l’avant port pour une nuit troublée par des orages aux pluies torrentielles. Excellent pour dessaler le pont déjà plein de sel des embruns de l’après midi.

 

Mardi 10 juin.

 

Ithaque la légendaire ! Quelle île merveilleuse. Arrivés hier en début d’après midi, après une navigation de quinze milles parmi les nombreuses îles et îlots qui envahissent ce bassin, nous avons jeté l’ancre au sud de la pointe Nikolaou. Premier mouillage conforme à nos souhaits ! Limpide, solitaire et abrité…Seule la visite d’un pêcheur, venant poser ses filets au crépuscule, nous rappela que nous n’étions pas seuls au monde. Un ouzo à l’apéritif, pendant que la dorade du repas grille sur le barbecue ! Le quotidien en quelques sortes !

Une navigation sous faible brise nous a conduits ce matin au port de Kioni, situé au fond d’une petite baie parfaitement abritée. Le village s’étale sur les pentes qui surplombent la mer. Les citronniers croulent sous leurs fruits et chaque maison se tient à l’ombre sous les treilles envahissantes. A chaque pas dans les ruelles, les senteurs diffèrent. Là le chèvrefeuille, ici la figue…Nous achetons quelques fruits et légumes au marchand ambulant. Tout fait envie. 

Nous sommes amarrés au quai, pratiquement désert à notre arrivée. En début de soirée, nous décidons de quitter les lieus vu le nombre incessant de voiliers qui appontent. L’ambiance change et le petit port charmant devient vite animé. Trop à notre goût. Nous allons mouiller en face, sur une minuscule plage en présence d’un autre voilier avide de tranquillité. La navigation en flottilles, très répandue en Grèce, fait qu’un endroit paisible le matin peut devenir bondé en fin de journée. Les lieus les plus prisés étant évidemment les quais gratuits de tous les adorables petits ports des îles Ionienne. Heureusement, il reste toutes les autres petites criques délaissées, et elles sont nombreuses !

  

 Samedi 14 juin.

 

Vingt deux heures. Nous sommes amarrés au ponton d’Eufimia sur l’île de Céphalonie. La plus vaste des îles ioniennes. Nous avons quittés Ithaque avec l’impression de ne pas avoir tout exploré. Disons que nous sommes retombés agréablement dans l’ambiance de la croisière côtière. Notre dernier mouillage sur Ithaque n’était d’ailleurs pas le moins agréable ! Après un échec sur Pera Pighadi, lieu incontournable s’il en est un seul à Ithaque mais que les fortes rafales nous obligèrent à quitter précipitamment, nous avons découvert une minuscule baie encastrée dans les rochers et incroyablement bien protégée. Les fonds de sable ne dissimulent rien  de leurs habitants que nous pouvons voir évoluer sans même avoir à nous mouiller ! Seul un autre voilier nous rejoint dans la soirée. Un couple de belges habitué du coin et inquiet de voir un bateau arborant un énorme pavillon dans les haubans et ancré ici. Ils confondent notre drapeau tibétain avec un fanion de flottille, nombreuses dans le secteur et gage d’une certaine « animation » lorsqu’ils se rassemblent. Rassurés sur notre identité, ils nous confirment la sécurité du lieu et nous conseillent sur d’autres mouillages immanquables dans le secteur. Ils naviguent depuis plus de dix ans dans ces eaux et nous profitons de leur expérience.

Ce drapeau tibétain ne laisse d’ailleurs pas indifférent. Si certains se posent la question de son origine, d’autres le reconnaissant, nous sourient ou nous lancent un « free Tibet ! » de soutien.

Ithaque aura aussi été l’occasion de se réconcilier avec la balade en scooter … Une petite virée dans les terres où certains hameaux gardent encore les stigmates du tremblement de terre dévastateur de 1953. Contrairement à la côte, ici, beaucoup de maisons n’ont jamais été reconstruites. En revanche, la mémoire d’Ulysse sur cette terre supposée être la sienne, est pratiquement inexistante !       

Ce soir, nous profitons de la sécurité du quai pour rendre visite au seul restaurant de la ville figurant sur le « guide du routard ». Bien, sans plus. Comme toute la cuisine grecque. Avantage ici : les cartes sont en français et ça aide…

Contrairement aux autres quais publics dans la région, l’amarrage ici est payant. Un Euro le mètre, soit neuf Euros pour Casalibus. Un prix très raisonnable pour un service exemplaire. Aide à l’amarrage, connexion Internet gratuite etc…       

 

Dimanche 15 juin.

 

Kalo Limeni. 38°22’40 de latitude et 20°36’80 de longitude. Située sur la côte est de Céphalonie, dans le chenal d’Ithaque, cette baie protégée est difficilement visible depuis le large. Deux ou trois maisons entourées de verdure et la plage de galets. Après une remontée au pré serré par 25 nœuds de vent de cet étroit chenal séparant Ithaque de Céphalonie, cette crique est le refuge bienfaiteur. Quel contraste avec la virilité de cette navigation pour y parvenir et l’agitation du port d’Eufimia avec la tranquillité reposante que nous découvrons !

La nuit dernière a été quelque peu troublée par l’exubérance des supporters de l’équipe de football nationale aux prises avec les Russes en coupe de je ne sais quoi ! Je crois que nous y avons droit chaque année. A croire qu’il y a des coupes du monde tous les ans…Tous les quatre ans, comme les JO, ce serait pas mal non !!!

Pour l’heure, nous nous partageons cet endroit paradisiaque à deux bateaux. Deux voiliers où la sieste des équipages semble de mise à cette heure ci…

 

Mardi 17 juin 08.

 

Cette côte est de Céphalonie est surprenante ! Voilà deux jours que nous l’explorons en tirant des bords vent dans le nez. Les nombreuses criques cachées où nous pénétrons sont des havres de paix pour la plupart ignorées des navigateurs. Une aubaine pour nous qui redoutons l’agitation des mouillages surpeuplés. Ici, rien de tel. Ce soir, nous ne sommes dérangés que par le bêlement des chèvres sur la plage. Nous sommes d’ailleurs restés un long moment à les observer au crépuscule en compagnie de leur berger, à l’ombre d’un olivier, assis sur le pas de la bergerie. Impossible de communiquer avec cet homme de la terre qui ne connaît que sa langue, mais quelques gestes simples ont permis de dire l’essentiel: le bonheur d’être là à regarder le jour décliner sur cette mer d’un bleu intense avec pour seule compagnie, ses chèvres investissant la plage de galets !

Ce matin, nous avons fait escale dans le petit port de Fiskardho, tout au nord de l’île. Un lieu qui ressemble à ces posters encadrés dans les agences de voyages…une profonde baie aux eaux transparentes surplombée de collines verdoyantes où les cyprès, les pins et les chênes verts se partagent les pentes. Plus surprenant, toutes les maisons sont de couleurs vives. Bleue, jaunes, verts…un petit air de fjord scandinave en pleine Méditerranée ! Seul ombre au tableau, le monde ! Nous préférons repartir après avoir fait le plein de provisions chèrement acquises ! A deux Euro quatre vingt le café, on a une petite idée des tarifs pratiqués ici…La beauté n’aurait-elle pas de prix ?

 

Mercredi 18 juin.

  

Nous venons de mouiller à « one house bay » sur l’îlot Atoko. Changement de décors ! Ce minuscule mouillage figure sur tous les guides nautiques et pour cause ? Un véritable paradis ! Planté entre la côte grecque et Ithaque, cette petite île inhabitée qui culmine à trois cent trente mètres est restée vierge de toute intrusion. Nous n’espérions pas être seuls pour en profiter, mais quand même ! Bordée d’une haute falaise, la plage devant laquelle nous sommes ancrés est étouffée par le maquis. Seule, une maison visiblement abandonnée, essaye de résister contre l’envahisseur ! La nature reprend ses droits lorsque l’homme tire sa révérence. Ici, en dehors des nombreux plaisanciers pendant la saison d’été, personne ne vient troubler les lieus.

Demain nous regagnons la côte grecque pour une première visite annoncée. Notre ami Guy nous rejoint pour quelques jours de navigation en ces eaux paradisiaques…

 

Jeudi 19 juin.

 

En définitive, le monde de la plaisance est déconcertant. Alors qu’à notre arrivée à « one house bay », il nous a été difficile de trouver de la place, le soir même nous n’étions plus que trois voiliers au mouillage ! Plus une équipe de kayakistes français, qui bivouaque sur la plage. Une nuit divine bercée par le bêlement des autochtones, les chèvres…

Nous avons traversé ce matin jusqu’au port d’Astakos sur la côte grecque. Cette citée est située au font d’une indentation très profonde et cernée par un nombre incalculable d’îlots. Le paysage diffère un peu des îles précédentes. Ici, tout est plus sec, plus aride mais aussi moins cher ! Les prix sont particulièrement intéressants et les commerces très nombreux. Nous en profitons pour faire un avitaillement complet et remplir nos réservoirs d’eau potable en vue de nos prochaines escales sauvages parmi l’archipel voisin.

La ville ne présente que peut d’intérêt, si ce n’est la gentillesse des gens. Arrivés à midi, nous nous sommes amarrés au quai quasiment désert, devant les terrasses des restaurants eux aussi délaissés. Nous partons aussitôt à la chasse aux renseignements : laverie, eau potable, Internet…Le patron du premier restaurant va jusqu’à m’accompagner à la laverie, distante de plusieurs centaines de mètres. Au retour, nous y déjeunons d’une excellente friture et de calamars frits arrosés d’un vin local, lui nettement moins bon mais pour un prix dérisoire.

Alors qu‘en fin d’après midi, je retourne récupérer chez lui le caméscope que je lui avais confié pour le recharger, il refuse mon pourboire mais en plus, je repars avec une bouteille d’une très bonne bière nationale. Geste purement gratuit quand on sait que les marins ne sont que de passage…      

A dix neuf heures, n’ayant toujours pas de nouvelle de notre futur équipier, nous fuyions le port maintenant encombré de bateaux et allons jeter l’ancre pour la nuit sur la plage voisine. Nous y serons seuls encore une fois!  

 

Vendredi 27 juin 2008.

 

Il est 14 heures et nous quittons le port d’Eufémia sous une chaleur accablante. Nous avons attendu en vain ce vent de nord ouest qui sévit chaque jour dans le chenal d’Ithaque et qui nous aurait permis de naviguer au portant le long de cette côte montagneuse en direction du sud.

En fait, voilà deux jours qu’Eole est en grève ! Hier, après plusieurs journées de navigations musclées tirant des bords en compagnie de notre ami Guy, nous nous faisions un plaisir de profiter de sa présence pour tenter l’envoi du spi qui n’est jamais sorti de son sac ! Au lieu de ça, son séjour sur Casalibus s’est terminé par une longue navigation au moteur !

Guy aura toutefois eu pas mal de chance durant la semaine écoulée en ce qui concerne la météo. Car il a bien fini par arriver notre ami Guy ! Entre une traversée de l’Italie en voiture et une longue croisière en ferry depuis Barri, nous l’avons récupéré sur le quai d’Astakos en pleine forme et avec grand plaisir. Nous n’étions partis que depuis trois semaines, mais encore une fois, ces visites que nous rendent nos proches représentent  pour nous des moments essentiels dans notre vie de marins.

Avitaillement complet dans les supers marchés du port, dernier repas au restaurant « Olympus » où la gentillesse du patron et de ses clients nous aura marqué. Un jeune couple dont la femme parlait le français et qui déjeunait à la table voisine nous fit apporter un autre pichet de vin blanc, en signe de bienvenue, tout simplement !

Après une découverte du golfe d’Astakos et de ses nombreux îlots en de belles navigations sous voiles, nous avons décidé de lui faire découvrir Ithaque et ses excellents mouillages aux eaux turquoise. Car si la côte grecque au nord du golfe de Patras est belle et sauvage, la proximité de l’estuaire du fleuve Achelos rend les eaux troubles et peut attrayantes.

L’occasion pour nous de retourner dans ces coins fabuleusement beaux et sereins. Une petite erreur de navigation nous a même permis de dénicher une crique solitaire et invisible…avantage peu commun de la navigation à l’estime sur le GPS !

 

Samedi 28 juin.

 

Ce matin, je suis en colère ! C’est la seconde fois que nous sommes victimes de pollution aux hydrocarbures en mer Ionienne. L’an passé sur l’île de Corfou, au mouillage dans une crique exceptionnelle de beauté et aujourd’hui dans le port de Poros dans le sud est de Céphalonie.

Arrivés la veille au mouillage devant la plage, nous avons du nous résoudre à gagner le port en fin de journée, un vent de nord-est le rendant très inconfortable. Si le village de Poros, avec ses maisons fleuries et son aspect tropical nous a séduits, son port désert et bétonné ne nous a guère inspiré. Un ferry arrivé à vingt et une heures est resté toute la nuit à nos côtés, ses machines en action…Il faut savoir que les moteurs de ces bateaux ne s’arrêtent jamais. A sept heures du matin, après un va et vient incessant de voitures et de camions, il quittait le port a notre plus grand soulagement. Nous constatons le désastre dans la matinée. La coque de Casalibus est noire de goudron à la ligne de flottaison et l’annexe restée à l’eau durant la nuit est maculée de tâches noires ! Pas de doute possible. Il s’agit bien d’une fuite provenant de ce ferry car la pollution est trop importante pour être attribuée à la négligence d’un bateau de pêche local. Il faut croire que ces navires agissent en toute impunité car personne à part nous ne semble s’en indigner. Quand je pense qu’un plaisancier surpris à vidanger ses toilettes dans un mouillage risque six cent Euro d’amande, je me dis que les grecques ont une façon d’appréhender l’écologie bien particulière...et je n’excuse en rien la négligence de certains équipages de voiliers.

Pour l’heure, nous comptons bien récupérer de notre nuit précédente dans ce mouillage tranquille, tout au sud de Céphalonie, avant de traverser demain sur Zakinthos, l’île aux tortues !

 

Lundi 30 juin.

 

Zakinthos est une île à part ! Un mélange de Corfou quant à la végétation et de Capri pour ce qui est de sa côte escarpée et truffée de cavernes.

Le vent faisant défaut depuis quelques jours, c’est au moteur que nous avons rejoint Ay Nikolaos, petit port au nord de l’île. La première constatation est que Zakinthos est délaissée par les flottilles si nombreuses dans les îles du nord. Le port de Nikolaos semble en attente d’une saison à venir…Les cinq ou six voiliers au ponton sont très courtisés par les quatre restaurants du coin ! Pour notre part, nous préférons mouiller avec une amarre au brise-lames extérieur parmi quelques bateaux de pêche, loin du quai des ferries !!! La protection est excellente et la tranquillité assurée. Quelques maisons seulement dans ce lieu oublié, mais deux « super market »tout de même ! Nous cherchions à remplacer notre bouteille de camping-gaz depuis une semaine et c‘est ici que nous la trouverons pour dix Euro (contre vingt cinq en France…).

Ce soir, nous sommes sur la côte ouest de l’île, dans un mouillage extraordinaire par sa discrétion. Un long fiord étroit caché derrière une pointe protectrice, aux rivages abruptes où les grottes se disputent les qualificatifs élogieux. Un  panneau précise qu’il est interdit de poser une ancre…Sur indication du seul voilier déjà installé, nous prenons une bouée au hasard et je plonge pour m’assurer de sa bonne tenue. Le vent peut souffler cette nuit, les trois tonnes et demie de Casalibus auront du mal à déplacer l’énorme corps mort…

Nous avions fait escale à midi dans un autre site réputé, « Wreck bay », une plage de sable entourée de hautes falaises sur laquelle repose l’épave d’un cargo rouillé et partiellement enfoui. Image singulière de la plage déserte au bateau échoué ! Les nombreux navires d’excursions qui y déversent des centaines de touristes chaque jour brisent le mythe ! Nous avons l’impression de faire tâche dans ce Disney Land et avons du mal à faire quelques photos « non contractuelles » !   

 

Mercredi 2 juillet.

 

Juillet est là et contrairement aux prévisions, nous, nous sommes toujours en mer Ionienne ! Difficile de s’extraire de ce paradis de la navigation. Et ce n’est pas Zakinthos qui nous y pousse à ce départ ! Quelle île merveilleuse ! La côte ouest nous aura enchantés avec ses hautes falaises et ses quelques plages de sable nichées au fond de criques invisibles. Nous l’avons longée hier durant six heures d’une navigation lente mais sous voiles, au portant par mer calme, sans jamais nous lasser de ce décor sauvage et majestueux. Majestueux aussi le pavillon grecque à la pointe sud de l’île. Six cent soixante huit mètres carrés de surface enregistrés au « Guinness des records » et hissés au sommet d’un pylône de cinquante mètres de haut. Placé au bord de cette falaise qui domine la mer de près de deux cents mètres, il est difficile de le louper !

Après une nuit au mouillage de Keri, nous sommes allés nous ancrer à midi sur une de ces plages minuscule, écrasée par la verticalité de ces remparts naturels. Les grottes présentes tout autour sont parait-il, le refuge des derniers phoques de méditerranée. C’est un peu comme les tortues sensées peupler le coin, nous ne les aurons vus que sur les cartes postales et les panneaux publicitaires des compagnies de charters…Il n’empêche que toute une partie de la baie de Lagana est interdite à la navigation, la zone ayant été classée « parc marin national » depuis l’année 2000. Seul problème, la plage où les tortues viennent pondre chaque année entre mai et septembre, elle, n’est pas interdite au public ! Pire, la fréquentation en est d’autant plus importante que cette présence de tortues en fait une attraction. Cela rappelle un peu les incohérences administratives des Galápagos dans le Pacifique… 

Après le bain de solitude de ces derniers jours, nous remontons la côte est de Zakinthos pour gagner la capitale, le port de Zakinthos…    

      

 Vendredi 4 juillet.

 

C’est par brise soutenue, à soixante degrés du vent, que nous avons quittés Zakinthos et les îles Ioniennes. Une superbe navigation à plus de six nœuds de moyenne ! De quoi nous faire oublier la tristesse de cette séparation d’avec cette mer qui ne nous aura jamais maltraités.

Nous sommes amarrés dans le port de Killini, à l’entrée sud du golfe de Patras. Ici les bateaux de plaisances se comptent sur les doigts de la main ! Rien d’intéressant dans cette petite cité balnéaire, point de départ des ferries pour Céphalonie et Zakinthos.  La fête foraine sur l’esplanade n’augure rien de bon pour la soirée, ni d’ailleurs le podium installé sur le port !!!Les barbecues qui se montent un peu partout laissent à penser qu’une petite fête se prépare. Ce n’est qu’une escale avant notre entrée dans le golfe de Patras, transition entre deux mers : la mer Ionienne et la mer Egée.

Les deux jours  passés à Zakinthos auront été très occupés. Visite de la ville et de sa forteresse, seule bâtiment n’ayant pas été détruit lors du tremblement de terre de 1953, balade en scooter dans l’intérieur de l’île et petit passage à l’hôpital pour consultation ORL ! Pour Brigitte cette fois, qu’un bouchon de cire rendait pratiquement sourde depuis une semaine…

Une heure et demie d’attente, debout dans un couloir, avec des gens qui vous passent devant pour obtenir enfin une visite avec le spécialiste. Une petite aspiration ! Dix minutes plus tard et trois Euro dépensés, je n’ai plus besoin de crier pour me faire comprendre…

En dehors du port à proprement parlé, la ville est plutôt agréable et il est étonnant de voir que cette ancienne citée vénitienne entièrement détruite a été reconstruite en harmonie à une époque où l’on ne se souciait guère de critères d’authenticité. Que serait aujourd’hui une ville comme Vienne et son théâtre antique si elle avait été rayée de la carte dans les années cinquante ? Nous nous sommes souvent fait la remarque dans toutes ces îles victime du cataclysme, et rares sont les constructions de l’époque qui n’aient pas de charme.

Nous, ce sont les moustiques et la chaleur dont nous sommes victimes depuis quelques jours ! Pour les moustiques, j’ai trouvé la solution ! Nous disposons maintenant d’une arme de destruction massive…  « Fini la tendresse des petits coups de tapette à mouches et des bons sentiments. Fini les combats de nuit inégaux avec ses volatiles minuscules et invisibles qui vous bourdonnent dans les oreilles. Aujourd’hui, je pulvérise, j’extermine, je baygonise » et ça marche ! 

 

De la mer Ionienne à la mer Egée


 

Dimanche 6 juillet.

 

Nous approchons du pont suspendu de Patras et distinguons dans la brume ses quatre énormes piliers et les câbles qui les relient. Ce pont, long de trois kilomètres et demi que nous avons déjà emprunté deux fois en taxi et en car, est tout récent. Il permet de traverser le golfe de Patras en remplaçant avantageusement le bac qui faisait les navettes dans le passé. Il en coûte tout de même trente cinq Euro pour un car !

Nous avons quittés le port quasiment désertique et à l’abandon de Missalonghi après avoir attendu désespérément le vent de nord ouest annoncé. Ce lieu fantomatique et sordide nous poussait à ne pas y traîner trop longtemps. Encore un exemple de l’absurdité des aides européennes pour des projets coûteux et irréfléchis. Les quais dallés et les pontons munis d’éclairages individuels solaires sont en place, mais aucune passerelles ne permet de gagner la rive. Tout le projet de marina semble avoir été délaissé. Les abords ne sont que décharges sauvages de détritus en tout genre. Un immense panneau aux couleurs européennes rappelle l’aide investie en ces lieux en 2006…

Seul le long chenal d’accès dragué et balisé, au milieu des marais salants, mérite l’escale. Trois milles nautiques à flâner le long des berges marécageuses bordées de maisons de pêcheurs sur pilotis. Nous apercevrons même, furtivement, une tortue en plongée dans le fond du bassin, à deux mètres des bateaux au quai.  

Heureusement, la soirée d’hier a été sympa en présence de deux autres couples français chez qui nous avons été invités tour à tour a prendre l’apéritif et le digestif…courte nuit mais bonne ambiance !

 

Lundi 7 juillet.

 

Notre avancée dans le golfe de Patras se poursuit et nous avons passés hier, la frontière entre ce golfe et celui de Corinthe. Le passage sous le pont est un moment magique, surtout par vent arrière et voiles en ciseaux…

Nous avons fait escale dans le petit port médiéval de Navpaktos. Cette enceinte entourée de remparts n’a que quelques places de disponibles pour les bateaux de passage et nous avons eu la chance de nous y amarrer malgré les protestations d’un voilier grec n’appréciant pas notre présence à ses côtés.

La ville est très agréable avec ses rues pavées, mais la circulation et l’agitation en ce dimanche est exubérante. La tombée de la nuit ne fait qu’amplifier la fréquentation des abords du port. Les terrasses des tavernes et des bars sont bondées. Nous avons d’ailleurs déniché un excellent restaurant, le meilleur de tous ce que nous connaissons à ce jour. Les boulettes de courgettes, les briques au basilic, les poulpes grillés et les poivrons frits, un véritable bonheur. Le tout pour vingt quatre Euro…vin compris ! De quoi nous faire oublier la nuit épouvantable que nous avons passée.

Nous retrouvons ce soir le plaisir du mouillage tranquille et du barbecue au crépuscule sur lequel grillent deux belles dorades. Cette baie sur l’îlot de Trizonia où nous avons jeté l’ancre cet après midi est un appel au repos. Il est fort probable que la soirée ne s’éternise pas…

 

Vendredi 11 juillet.

 

Ce 11 juillet nous réserve encore un mouillage solitaire dans le golfe de Corinthe où nous progressons lentement vers l’est. Ce soir, les fumées de notre barbecue n’auront dérangées personne. Il faut reconnaître que l’endroit décrit par notre guide nautique ne ressemble plus vraiment à ce qu’il dut être en 2002, lors de la dernière édition. Cette baie complètement fermée aux eaux calmes a entre temps fait le bonheur d’une société d’élevage de poissons comme il y en a tant en mer Ionienne. Des bassins encombrent la baie, mais en plus, une usine de transformation a été construite sur la rive ! L’accès à la plage au fond de la crique est obstrué par une barge de déchargement amarrée sur « corps mort ». L’horrible hôtel solitaire présent depuis longtemps, même lui, ne semble pas s’être remis d’une telle transformation environnementale, et ses portes et ses volets sont clos ! « Ormos Anemokambi », un paradis détruit en quelques années seulement dans cette superbe baie de Galaxidhi !

Nous avions quittés la petite île de Trizomia mardi matin, après une nuit longue et sereine malgré les rafales incessantes ayant balayé la baie. Nous pouvions nous mettre à l’abri dans le port, mais la quantité de voiliers sédentaires qui squattent ici ne nous inspirait guère. Une espèce de micro société s’est créée dans ce port très protégé et gratuit. Certains bateaux sont amarrés  depuis plusieurs années et l’état de leur coque laisse à penser qu’ils n’ont pas du sortir souvent ! La baie de Kalithea sur la côte n’est distante que de cinq milles nautiques. Avec trente nœuds de vent portant et un génois partiellement déroulé, nous arrivons à destination très rapidement après quelques surfs poussifs… Caché derrière la montagne, l’endroit est épargné du vent, mais d’une extrême tristesse…

Au port d’Eratini, quelques milles plus à l’est, nous rencontrerons un pêcheur qui parle très bien le français. Et pour cause ! Il est marié depuis dix huit ans avec une française. Nous passerons un agréable moment en leurs compagnies à la terrasse d’une taverne devant l’ouzo national accompagné de quelques poissons et calamars frits et serons même invités à partager le repas du soir chez eux. Malheureusement, ils ne viendront jamais nous chercher…Nous partirons le lendemain matin sans connaître la raison de ce désistement.

 

Lundi 14 juillet.

 

Il y a longtemps que je n’avais pas mentionné les gardes côte dans mon récit. Il fallait bien que cela arrive. Pour quelle raison la Grèce serait-elle épargnée de cette calamité ?

Amarrés depuis deux jours dans l’adorable port de Galaxidhi, nous avons eu droit hier au soir, en compagnie d’un autre équipage français, à la hargne d’un de ces fonctionnaires belliqueux et tatillon. Après nous avoir confisqué les documents des deux bateaux, il a rédigé sur papiers officiels en langue grecque, trois factures correspondant a divers taxes soit disant exigibles pour les bateaux navigant en Grèce !!!A part celui correspondant au droit de place dans le port, impossible de comprendre la signification des deux autres. La seule chose que nous comprenions, c’était qu’il ne nous rendrait nos documents qu’après payement des sommes réclamées ! De plus, il ne voulait pas nous remettre les reçus avant le lendemain matin pour cause de photocopies à réaliser. Contrains et forcés, il a bien fallut payer, mais nous ne cédons pas sur notre exigence d’un reçu. Après nous avoir rendu les papiers de nos bateaux, il nous demande d’attendre son retour. Il part au bureau en voiture et revient un quart d’heure plus tard avec les reçus que nous demandions. L’ambiance est tendue et nos palabres lui ont fait perdre un temps précieux qu’il aurait sans doute préféré  occuper à d’autres activités : il est plus de vingt et une heures lorsque nous nous séparons et nous sommes dimanche…

Tout ce que l’on peut dire c’est que la perception d’une telle taxe (quarante cinq Euros ! en ce qui nous concerne) est illégale au sein de la communauté économique européenne puisque toute personne et tout bien peuvent circuler librement dans les pays de l’Union ! L’équipage d’Agora, un voilier français rencontré quelques jours plus tôt, nous avait informé avoir été victimes de faits similaires dans le port de Patras. Affaire à suivre…

Heureusement, cette journée de dimanche avait très bien commencée puisque nous sommes allés visiter le site archéologique de Delphes, une trentaine de kilomètres plus loin et niché à six cent cinquante mètres d’altitude dans les montagnes environnantes. Le voyage en bus a été un enchantement. La vue est époustouflante tout le long du parcours qui mène à Delphes. Lorsque nous quittons la plaine d’Itéa et attaquons l’ascension par une route sinueuse, on a l’impression que la vallée est un immense fleuve de couleur verte qui serpente au milieu des hautes falaises calcaires tant les oliviers abondent ! Pas un espace vierge d’oliviers. Des oliviers partout. Des oliviers à perte de vue qui se jettent dans la mer !

Le site archéologique quant à lui, mérite amplement le voyage. Un stade, un théâtre, plusieurs temples…tout cela sur un terrain escarpé. Les bâtisseurs de l’époque n’avaient pas choisi la solution la plus simple. Pour la petite histoire, c’est l’état français qui finançât les travaux de réfection en 1903.

Ce soir, nous avons retrouvé le calme d’un mouillage solitaire et vierge de gardes côtes ! Isidhorou dans le golfe d’Andikiron. L’un des plus beaux du golfe de Corinthe…   

 

Mardi 15 juillet.

 

La navigation de plaisance a cette particularité de ne jamais laisser trop longtemps la monotonie s’installer. Alors que depuis plusieurs semaines, la situation météorologique est d’une stabilité telle que vous en oubliez de consulter le navtexte, un méchant coup de vent d’ouest vous précipite dans un autre monde. Le petit port tranquille abrité des vents d’est, fréquents dans la région, devient un enfer en moins de dix minutes ! Plus de quarante nœuds de vent. Il faut faire vite pour sécuriser le bateau qui risque de taper contre le quai. Heureusement, la baie est fermée à la houle et seul un ressac inconfortable malmène Casalibus. Un voilier italien au mouillage dérape sur son ancre alors qu’il n’y a personne à bord. J’hésite à me mettre à l’eau pour gagner son bord à la nage quand il s’immobilise subitement. La chance a voulue qu’il crochète au passage le corps mord d’un bateau de pêche. Sans cette opportunité, la force du vent venait le projeter contre nos bateaux amarrés au quai.

Nous passons l’après midi et la soirée à tendre et retendre les amarres. Certains bateaux sont malmenés et doivent changer de place. L’entre-aide est de rigueur entre les équipages durant ces longues heures. A vingt trois heures, la femme du skipper d’un voilier français de quarante trois pieds vient me demander d’embarquer à sa place pour déplacer le bateau. Elle semble terrorisée et son mari un peu dépassé par la situation. Amarré solidement quarante cinq minutes plus tard à côté de Casalibus, elle mettra un certain temps pour remonter à bord. Mon avis qu’elle ne finira pas la croisière ! Quand à moi, à part le plaisir d’avoir barré un Dufour 43, je regagne Casalibus sans même un remerciement. Drôle de monde que celui du bateau…

 

Mercredi 16 juillet

 

Aussi vite arrivé, aussi vite tombé ! La baie d’Andikiron et son port sont redevenu ce qui en fait leur réputation : un endroit paisible ! Le vent s’est tut ! Une nuit sereine d’un repos mérité après l’agitation d’hier. Finalement, nous sommes cordialement invités à prendre un verre par le couple de français remis de leurs émotions. Aucun dégât pour les bateaux si ce n’est une barque de pêche coulée au fond du port et dont le réservoir de gas oil  se vide doucement dans les eaux redevenues transparentes du bassin. Elle ne semble intéresser personne, pas même les gardes côtes venus constater les faits dans la soirée d’hier. Elle continue ce matin à se vider inlassablement de son réservoir…

Les prévisions météo que je n’ai pas oubliés de consulter ce matin…ne sont guère engageantes pour aujourd’hui. Deux alertes aux vents forts sont déclenchées pour la journée : une en mer Ionienne et une en mer Egée. Nous sommes justes entre les deux ! La sagesse nous incite à rester ici en attente de jours meilleurs.

 

Jeudi 17 juillet.

 

La météo redevenu clémente a permis à tout le monde de larguer les amarres ce matin après ces deux jours d’attente dans le port d’Andikiron. Et deux jours à attendre au quai, ça crée des liens entre les marins. La soirée d’hier fût conviviale et le cockpit de Casalibus un peu étroit pour l’apéritif qui nous réunissait tous. Un couple de retraités et leur petite fille arrivés dans la journée se sont joints à nous. Tous des français ! Ce matin, j’avais du mal à me remettre à l’anglais pour commander mon café ou faire les courses. Le capitaine du remorqueur amarré à la jetée et originaire de Crète, nous fait découvrir le raki, un alcool qu’il ramène de chez lui et dont il vante les vertus. Quant à son île, c’est paraît-il la plus belle de toutes ! Pour l’occasion, un nouveau pavillon français nous est offert en remplacement du nôtre qui n’a pas survécu aux fortes rafales de la veille.

Nous appareillons aussi dans la matinée mais pour retourner au superbe mouillage d’Isidhorou où l’on devrait retrouver Pascaline et Gilles, des copains de Chartreuse partis au mois d’avril de Toulon à bord de leur petit voilier de sept mètres. Nous avons hâte de partager avec eux le voyage exceptionnel qu’ils viennent de réaliser en un temps record !

 

Samedi 19 juillet.

 

Cette fois, nous sommes proches du fameux canal de Corinthe qui va nous permettre de pénétrer en mer inconnue, la mer Egée !

Nous venons de passer deux jours intenses en compagnie de Pascaline et Gilles et de leur bateau Larsen. Ils sont partis cette nuit pour passer le canal de Corinthe car, contrairement à nous, leur programme de navigation est minuté. Ils doivent remonter à Saint Mandrier avec leur voilier pour le mois d’octobre. C’était émouvant de se retrouver si loin de chez nous après tous ces mois de navigation. Leur aventure est singulière compte tenu de la taille de leur Serpentaire et de son confort spartiate. Nous espérons les retrouver plus loin en mer Egée, avant leur retour pour la France, pour d’autres soirées riches en souvenirs arrosés d’Ouzo.

Hier au soir au mouillage de Saranda, nous avons eu le bonheur de voir une tortue à quelques mètres de la rive. Juste le temps de m’équiper de mon masque de plongée et je me retrouve a nager à ses côtés. La curiosité sans doute, la fait s’approcher de moi et j’ose tendre ma main pour lui caresser la tête avant qu’elle ne s’éloigne vers le large. Un très grand moment qui restera gravé dans ma mémoire…

Aujourd’hui, nous récupérons un peu dans un autre mouillage extraordinaire. Trois petits îlots dans le fond du golfe qui nous réservent un petit havre de paix et de tranquillité avant de rejoindre demain matin le port de Corinthe.

   

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 Mardi 22 juillet.

 

Le port de plaisance du Pirée, midi et demi, bienvenue à Athènes. La chaleur est suffocante et le bruit omniprésent. Ce n’est pas de gaîté de cœur que nous sommes dans cette marina, mais c’est l’endroit le plus pratique pour visiter Athènes lorsque l’on arrive en voilier.

Car cette fois, nous y sommes en mer Egée. Nous l’avons enfin passé ce canal de Corinthe qui nous jeta en ces eaux redoutées.

C’est assez impressionnant de se retrouver dans cette tranchée rectiligne creusée dans la roche. A certains endroits, les falaises de chaque bord s’élèvent à soixante dix mètres au dessus de nos têtes. Les cargos ont tout juste la largeur nécessaire entre les deux rives. La circulation se fait en alternance évidemment, et aucun horaire n’est défini à l’avance. Tout dépend de l’importance du trafic dans un sens ou dans l’autre. Nous avons appelé les autorités du canal par radio depuis le port de Corinthe où nous avions fait escale la veille. Après identification de notre bateau, ils nous on demandés d’être prêts quarante minutes plus tard et de nous engager derrière le cargo en attente dans la baie. Trois autres voiliers sont du voyage et nous devons respecter une distance de sécurité entre chaque bateau. Nous progressons lentement avant de déboucher, cinq kilomètres plus loin dans le golfe Saronique, moyennant la somme de 99 Euros ! Cela fait cher du kilomètre et c’est effectivement le canal le plus coûteux au monde en rapport à sa longueur…

Après divers travaux d’entretien sur Casalibus, un passage chez l’esthéticienne pour Brigitte, quelques achats et une visite rapide des abords de l’Acropole (nous y reviendrons en basse saison !), nous mettons le cap à l’est afin d’explorer cette partie de la côte hellénique.

 

Jeudi 24 juillet.

 

Nous venons de jeter l’ancre à Anavissou, grande baie à l’ouest du cap Sounion. C’est notre troisième mouillage en mer Egée et les impressions sont partagées. Plus de côtes sauvages et inhabitées comme dans le golfe de Corinthe, mais des immenses plages à touristes à l’urbanisme douteux. Heureusement, la côte reste montagneuse mais la végétation est clairsemée sur ces pentes arides. Nous sommes bien sûr très proches d’Athènes et toute cette région est le lieu de villégiature privilégié des vacanciers grecs. La proximité de l’aéroport explique aussi la présence des nombreux hôtels du bord de mer. Quand au meltem, ce vent redouté des marins, nous ne l’avons encore pas subit. Par contre, cela fait deux jours qu’un fort vent d’ouest balaie la région et si les navigations se font à la voile, ce n’est pas toujours dans des conditions de confort adéquates ! La houle est désordonnée avec des creux de deux mètres. Heureusement que nous sommes amarinés tous les deux, mais si cela devait continuer, nous nous inquiétons pour les équipiers qui doivent nous rejoindre ici. Notre amie Viviane arrive dimanche et nous espérons une météo clémente pour les jours à venir…

En dehors de ça, les eaux sont claires et poissonneuses. J’ai harponné mon premier poulpes de la saison en arrivant tout à l’heure alors que je plongeais vérifier la bonne tenue de notre ancre…

 

Samedi 26 juillet.

 

Nous sommes arrivés aujourd’hui à Porto Rafti, citée balnéaire très prisée des athéniens. La baie est spacieuse et très abritée avec ses trois îlots qui la protègent de la houle. Un minuscule port encombré de bateaux locaux se cache au milieu des résidences et des restaurants. C’est notre première soirée réellement sereine depuis que nous sommes en mer Egée. Pas de vent ni de vague ce soir pour nous malmener et de plus, nous sommes amarrés sur corps mort. L’endroit est idéalement situé pour récupérer des équipiers, l’aéroport d’Athènes étant distant de quinze kilomètres seulement. Seule contrepartie, la vie ici est hors de prix ! Trois Euros le petit noir au comptoir ! Nous avions anticipé et refait un avitaillement complet au port de Lavrion ce matin. Cette escale urbaine est pratique lorsque l’on remonte le chenal de Petalion entre Evia et la Grèce continentale car de nombreuses compagnies de charters y sont implantés, et par la même occasion, tous les commerces qui vont avec. J’ai ainsi pu me réapprovisionner en fournitures mécaniques alors que j’avais fait chou blanc au Pirée ! Nous avons la chance de nous amarrer au ponton d’une de ces sociétés de location de voiliers dont les dirigeants nous offrent tout simplement l’emplacement pour les vingt quatre heures de notre séjour…Le filtre à gasoil acheté au chantier naval n’étant pas le bon, je le remporte pour me le faire remplacer. N’en trouvant pas dans ses stocks, le mécanicien me propose de me l’amener sur le bateau dans la demie heure qui suit. L’énervement est à son comble trois heures plus tard lorsqu’enfin, il me l’amène au ponton, tout sourire ! Ma colère tombe car je pense qu’il a réellement passé ces trois heures à dénicher la pièce en question. Décidément, les grecs son des gens surprenants.

 

Mardi 29 juillet.

 

Le meltem ! Nous l’attendions…Nous savions qu’ici, en mer Egée, il sévit durant l’été. Il nous aura fallut une semaine pour faire sa connaissance.

Après deux jours passés à Porto Rafti et l’embarquement de notre amie Viviane, nous avons mis le cap sur l’îlot de Mégalo Petali pour un premier mouillage sauvage en sa compagnie. La crique de Vasiliko au sud de l’île est parfaitement abritée et complètement isolée. Une grande plage de sable gris en arc de cercle entourée de pentes abruptes couvertes de garrigue. Une bergerie déserte en pierres sèches et quelques abris pour les moutons ou les chèvres dispersés tout autour. Nous sommes trois voiliers dans cette baie aux eaux turquoise et deux familles ont installés leurs campements sur la rive. Malheureusement, la météo pour les heures à venir n’est pas encourageante. Le vent se lève dans la nuit et nous appareillons le matin pour ne pas nous retrouver prisonniers de ce paradis, car si nous y sommes en sécurité, un séjour prolongé ici ne nous enchante guère. Nous partons pour l’île d’Evia et le port de Karisto, juste en face, avec des rafales à trente nœuds. Le vent est au portant et, sous génois et grand voile au deux tiers, seule la mer qui se forme de plus en plus nous impose une attention  permanente. Nous finissons sous grand voile réduite au maximum avec des rafales à plus de quarante nœuds ! Le calme qui règne dans l’enceinte du port de Karisto nous surprend et nous laisse groggy, les cheveux durcis par les embruns…notre nouvelle équipière a le pied marin, c’est une certitude !  

  

Mercredi 6 août.

 

Karisto ! Petite citée balnéaire dans le sud d’Evia. Huit jours que nous sommes amarrés au quai du port, bloqués par le Meltem qui ne semble pas vouloir se calmer. Ce soir, nous sommes un peu perdus suite au départ de Viviane qui a partagé cet exile en notre compagnie. Heureusement, cette petite ville a beaucoup de charme quant à son effervescence et à la chaleur de ses habitants. Les étrangers y sont rares et l’ambiance authentique. Il n’empêche que nous ressentons une certaine frustration par rapport à notre équipière de passage qui n’aura guère profité de cette croisière.

Nous savons, depuis, que ce lieu est un des plus venté de la mer Egée ! Passage obligé pour les cargos en transite pour la mer noire, les conditions sont telles qu’ils sont eux mêmes contrains de se mettre à l’abri dans la baie. Nous en avons compté treize avant hier au mouillage en extérieur du port alors que nous enregistrions des rafales à cinquante nœuds! Peu de dégâts si ce n’est un superbe tamaris centenaire arraché sur le front de mer et notre girouette en tête de mat qui s’est envolée ! Nous avons rencontrés un couple de grenoblois avec leurs deux enfants qui eux, n’ont pas eu le temps de fuir le mouillage sauvage où ils campaient et qu’ils avaient atteint en canoë. Faute de provision suffisantes, ils ont rejoint Karisto par les chemins de terre après cinq heures de marche sous le soleil en abandonnant sur place leur bateau et le campement pour se réfugier à l’hôtel. Un apéro à bord de Casalibus nous a permis de faire connaissance et de nous rendre compte que leur moral n’était pas atteint pour autant. Ils retourneront récupérer leur matériel plus tard en espérant des jours meilleurs. Ils avaient prévus de traverser sur les Cyclades et l’île d’Andros, distante tout de même de douze milles nautiques, sur leur petite embarcation !       

Nous avons bénéficié d’une accalmie aujourd’hui, mais les prévisions pour les jours à venir ne sont pas encourageantes et des français résidents sont venus pour nous conseiller de ne pas partir. Nous avons consacré notre journée à l’entretien du bateau que les poussières de la ville ont recouvert durant la semaine.

L’ambiance dans la ville est bon enfant et les terrasses des tavernes sont toutes plus accueillantes les unes que les autres ! Nous visitons les environs en bus et louons aussi une voiture pour explorer la côte au vent. Nous comprenons pourquoi les cargos ne s’aventurent pas dans les parages avec une telle mer. Les rouleaux qui s’écrasent sur la petite plage déserte sont monstrueux. Une baie des Trépassés en miniature…

 

Jeudi 7 août.

 

Difficile de combler le vide laissé par le départ de Viviane ! Et notre départ à nous, n’est encore pas pour demain. Une amélioration semble se dessiner samedi et nous espérons bien en profiter pour faire du cap au nord, là où les vents sont plus cléments. La visite des Cyclades, ce sera pour plus tard…

Nous avons passés la matinée et une partie de l’après midi chez un couple de français expatriés depuis une dizaine d’années. Ils habitent sur les hauteurs de la ville, dans une maison ancienne restaurée avec goût et noyée au milieu d’arbres en tous genres. Une source d’eau potable alimente une magnifique fontaine en marbre du dix huitième siècle. C’est à la fois somptueux et simple et l’accueil est chaleureux. Nous parlons bateaux évidemment ! Ils sont partis trois ans avec leurs enfants, pour un tour de l’Atlantique sur un dériveur en acier de quinze mètres. Nous repartons de chez eux avec de superbes figues du verger et une carte marine des Sporades du nord. Ils connaissent bien l’endroit et nous confirment que les conditions météo y sont meilleurs…

 

Samedi 9 août.

 

Après un baroud d’honneur avec une rafale à soixante cinq nœuds…le vent est subitement tombé hier après midi, nous laissant pantois… Un calme incroyable après ces dix jours de folie où toute manœuvre, tout acte  est conditionné par le vent. Pendant dix jours, nous avons mangé à l’intérieur, toutes ouvertures fermées ou presque, pour se protéger des envoles de toute sorte. Avec près de cent vingt kilomètre heure, cette dernière rafale nous a confortée dans notre décision de renoncer aux Cyclades. J’étais à bord à ce moment là et je reconnais avoir eu peur bien qu’amarré au quai. Le bateau a gîté fortement au point d’éjecter tout ce qui se trouvait dans les équipets bâbords. Les tables et les chaises des terrasses ont volés dans le port et pendant une minute, le vacarme était tel que j’ai pensé à un cyclone.

Nous sommes ce soir dans la baie de Almiropotamos, toujours sur l’île d’Evia, mais déjà plus au nord. Nous goûtons à nouveau au plaisir du mouillage nature, devant un petit port charmant, illuminé par les derniers rayons du soleil. La mer est plate et pas un souffle de vent pour troubler notre plaisir…    

 

Mardi 12 août.

 

Nous poursuivons notre remontée dans ce détroit séparant Evia de la côte continentale et malgré des prévisions météo peu encourageantes, nous constatons que déjà, l’influence du Meltem ici, est fortement diminuée.

Nous sommes dans le port d’Erétria depuis deux jours. Seul voilier parmi les bateaux de pêche dans cette petite citée de villégiature, bien loin de la sur-fréquentation que nous pouvons connaître dans le midi de la France à cette époque ! Cet immense port n’est en fait qu’un terminal pour les ferries reliant l’île à Oropos, sur la côte, et un centre de pêche important. Nous sommes justes en face d’un chantier naval renommé et nous profitons du trafic intensif  des ferries pour lui rendre visite. Notre ami Jacques avait hiverné ici il y a deux ans et nous sommes nous aussi séduit par la gentillesse et le sérieux des patrons. Nous réservons sans hésitation notre place d’hivernage pour un prix raisonnable dans ce chantier distant seulement de soixante kilomètres de l’aéroport d’Athènes.

Ces deux derniers jours, malgré notre impatience à gagner dans le nord, nous avons pu apprécier la beauté et la quiétude de quelques mouillages typiques de cette côte ouest d’Evia. Voufalo et Almiropotamou  en particulier pour leur sérénité et leur environnement naturel aux pieds des montagnes.

 

Vendredi 15 août.

 

Khalkis, capitale d’Evia, à quelques encablures seulement de la côte continentale. Un pont suspendu relie les deux rives. Nous sommes ancrés dans une baie en dehors de la ville, Ay Stefanou, et bien qu’une route ceinture ce lieu, il règne une certaine sérénité ici. Nous sommes seuls encore une fois au mouillage, et nous n’avons rencontré aucun voilier depuis cinq jours !

Les conditions météo sont enfin favorables. Vingt cinq nœuds au pré cet après midi pour venir d’Alkoutsi ; un temps de demoiselles ! 

 

Samedi 16 août.

 

Bien que les grecs soient très religieux dans leurs traditions, ce quinze août ne nous aura pas marqué comme ce fut le cas en Sicile ou en Italie. Journée morte tout simplement.

Après une nuit tranquille au mouillage, nous avons rejoint la marina de Khalkis, ou plus exactement, le yacht club de la ville. Personne pour nous prendre les amarres, mais personne non plus pour nous demander de quitter les lieus. Nous prenons une des rares places disponibles, avec eau et électricité au ponton. Le grand luxe ! Lorsque nous rentrons de courses, nous nous renseignons auprès d’un plaisancier membre du cercle en train de nettoyer son voilier. Réponse : nous sommes les bienvenus et nous ne devons rien…Merci à ce yacht club exemplaire !

Autre exemple de courtoisie. Attablés à la terrasse d’un bar devant un café, nous nous renseignons sur l’emplacement de la gare routière où nous devons récupérer notre ami Benoît dans deux jours. Elle est située à deux kilomètres de la ville. Nous sommes à pieds évidemment ! Qu’à cela ne tienne, notre informateur se propose de nous y conduire en voiture…et nous ramène un quart d’heure plus tard, informations en poche !

Cette grande ville, située au bord du canal qui sépare l’île du continent, est plutôt agréable si ce n’est la chaleur écrasante qui y règne aujourd’hui. Trente six degrés et le moindre souffle de vent est le bienvenu.

 

Dimanche 17 août.

 

 

L’immersion dans une grande ville nous ramène inexorablement dans la réalité de la vie, pas notre vie à nous de vagabonds des mers, mais la vie tout court, celle de l’invasion russe en Géorgie par exemple, ou de ces jeux olympiques en Chine tout aussi regrettables ! Dans les deux cas, nous avons l’exemple de la victoire du totalitarisme sur la raison démocratique ! Le monde entier à genou devant deux grandes puissances économiques incontournables. Cela rappelle inlassablement le passé et ses erreurs tragiques, mais le monde est amnésique, plus qu’hier mais moins que demain, comme l’Amour avec un grand A, celui qui se cache dans les rêves… J’en vomirais mon ouzo de vingt heures s’il n’était déjà digéré depuis. Ici, les grands écrans sont omniprésents sur les terrasses et il est difficile de les ignorer en mangeant son giros ou en buvant son café.

Ainsi va la vie, ici comme ailleurs ! Oui mais à huit Euros seulement le repas de ce soir, boisson comprise pour deux personnes…on oublie tout et l’on respire fort cette petite brise rafraîchissante et bienvenue après les trente neuf degrés de l’après midi…

Demain, nous prenons la route des Sporades du nord en compagnie de Benoît. Il arrive dans la soirée et nous l’attendons pour « passer le pont ». Ce pont, c’est celui qui enjambe l’étroit chenal large de trente neuf mètres qui sépare Evia du continent. Cet ancien pont coulisse sous la route pour permettre le passage des bateaux. Seul problème, l’étroitesse du chenal génère des courants importants pouvant atteindre sept nœuds, dans un sens ou dans l’autre, suivant les marées ! Car il y a des marées en Grèce et plus particulièrement dans ce chenal avec une amplitude de quatre vingt centimètres tout de même. Un seul moment dans la journée, ou plutôt dans la nuit, le pont s’escamote pour le passage des navires. C’est à l’étal, juste entre la marée montante et la marée descendante. Pour la nuit prochaine, nous n’avons encore pas de précision. Il faut d’abord passer par la case porte monnaie, car il y a un péage…      

 

Vendredi 22 août.

 

Baie d’Atalantis sur la côte continentale grecque, 38°40 de latitude par 23°04 de longitude ! Nous poursuivons notre remontée du chenal d’Evia en compagnie de Benoît. « Bienvenu à bord !»

Partis de Khalkis mardi dernier après avoir passé le fameux pont dans la nuit et sans encombre, nous avons entamé une petite navigation initiatique de quelques milles seulement, direction le port de Néa Artaki sur l’île d’Evia. Trente nœuds de vent dans le nez avec une mer hachée, l’idéal pour tester les bonnes dispositions de notre nouvel équipier ! Après une nuit quelque peu bruyante au quai de la ville, nous traversons le lendemain sur la baie de Skorponeriou, juste en face, avec des conditions de vent toujours musclés, mais cette fois, favorables à notre route. Nous faisons découvrir à Benoît, novice en la matière, la magie de la nav

igation sous voiles et le bonheur d’un mouillage solitaire en eaux tranquilles.

Ce matin au réveil, après une soirée barbecue arrosée et riche en narrations et en évocations de souvenirs communs, aucun de nous n’apprécie vraiment la houle qui c’est levée dans la nuit ! Le petit déjeuner est vite avalé et nous levons l’ancre pour un lieu plus clément de cet immense golfe d’Atalantis. Malheureusement, les nombreux mouillages abrités sont souvent occupés par ces fermes marines qui s’installent évidemment dans les meilleurs endroits. Bien souvent, ces installations s’accompagnent de constructions anarchiques sur la côte et les sites sont irrémédiablement dénaturés. Nous choisissons de nous ancrer derrière l’îlot Gaïdharos, devant de vieux pontons de bois où sont amarrées quelques barques de pêcheurs. Nous ne trouvons pas d’approvisionnement à terre, mais seulement deux ou trois tavernes devant la plage très propre (une exception en Grèce !) et équipée de douches et de cabines. Il semble que seuls, les touristes locaux fréquentent ce lieu et pour la première fois cette année, la barrière de la langue nous handicape. Personne ici ne parle l’anglais et le seul mot commun que nous connaissons se rapporte à l’ouzo. Il nous est servi à la grecque, avec beaucoup de glace et très peu d’eau mais accompagné de trois petites assiettes de dégustation…

   

Mercredi 27 août.

 

Nous passons ce matin le cap de Kinaion à l’extrême ouest de l’île d’Evia pour pénétrer dans l’étroit chenal d’Orei. La route des Sporades est enfin ouverte devant nous.

Nous avons laissé notre ami Benoît hier matin au Ferri d’Adhipsou sur Evia. Début de son voyage retour après une semaine à bord à remonter le chenal d’Evia en alternant mouillages et ports. Il faut bien reconnaître que, ni la côte de cette grande île, ni celle du continent ne nous auront vraiment marquées. Mais peut être devenons nous exigeants après les merveilles rencontrées dans le passé ! Seul atout véritable de cette mer fermée, le vent et la mer y sont rarement mauvais.

Alors qu’un nouveau coup de vent sévit en mer Egée, à quelques milles seulement, il est curieux de naviguer au moteur sur une mer plate comme nous n’en avons pas rencontrée depuis des lustres et de sortir enfin quelques bonites avec la ligne de traîne…

Nous abordons le passage le plus étroit de ce chenal d’Orei. Un peu plus d’un mille sépare la côte nord d’Evia à celle de Thessalie où culminent les plus hauts sommets de Grèce.

 

Samedi 30 août.

 

Skiathos, première île des Sporades du nord. Nous l’avons abordé hier matin après une escale agréable à Platania sur la côte sud de la péninsule de Trikeri qui ferme le golfe de Volos. Son environnement verdoyant et l’authenticité de ses habitants nous ont fait hésiter à poursuivre notre route vers les Sporades pour pénétrer dans cette immense baie protégée et réputée de Volos ! Mais l’attrait des îles est irrésistible pour le commun des mortel…Nous nous réservons ces futures escales pour notre retour en septembre.

Notre premier mouillage sur Skiathos, hier matin, porte un nom plus enchanteur qu’il ne le mérite ! Koukounaries…En fait, une vaste plage bordée de pins, truffée de parasols et de « sun beds » pour touristes étrangers avec buvettes et loisirs nautiques tous les cent mètres. Très bien abritée des vents dominants du nord, nous avons eu la mauvaise surprise d’un vent thermique du sud qui s’est levé dans l’après midi et qui a rendu le mouillage quelque peu rouleur !

Aujourd’hui, nous sommes ancrés dans la baie de Skiathos, capitale de l’île, où nous sommes arrivés ce matin après une navigation courte, mais éprouvante, meltem oblige ! Après une nuit sans le moindre souffle de vent, un bain matinal enchanteur sur fond de sable clair et limpide et des prévisions météo encourageantes, nous avons quitté le mouillage sous voiles par dix nœuds de vent portant…une heure après, nous étions sous grand voile seule par quarante nœuds ! De quoi se poser des questions sur la fiabilité des prévisions météo dans le secteur et nous faire regretter « notre golfe de Volos » …

Si le mouillage est parfaitement abrité de la houle, le vent y descend en fortes rafales et nous avons du enfourcher deux ancres pour plus de tranquillité. Sage précaution puisque la dernière prévision qui tombe à l’instant sur le « navtex » nous annonce un renforcement des vents du nord sur la mer Egée…         

 

Mardi 2 septembre.

 

Il y a longtemps que je n’avais pas décrit le bonheur d’un mouillage paradisiaque aux eaux turquoise, entouré de collines verdoyantes où seul le chant des cigales trouble le silence de cette baie : Panormou !

Nous avons rallié ce matin notre deuxième île des Sporades du nord, Skopelos, après trois jours passés à Skiathos, à l’abri de ce meltem décidément bien pesant dans ce secteur soit disant épargné…Pas de regret non plus compte tenu de la beauté de cette île et de son port aux multiples ruelles escarpées, bordées de boutiques et d’échoppes en tout genre. Très touristique certes et aux accents britishs, mais agréable et coquette où il fait bon flâner ou rêver à la terrasse d’une des innombrables tavernes.

Nous avons eu droit dimanche à notre première journée de pluie en Grèce. Une journée où se sont succédé six ou sept orages qui ont noyé la baie dans une quasi obscurité permanente. Les pluies abondantes ont transformé les rues en torrents et la baie aux eaux bleues en « estuaire amazonien » jaunâtre et chargé de détritus. Lorsqu’en fin de soirée, le ciel s’est enfin dégagé, les rues se sont animées comme par magie et en quelques heures seulement, le déluge n’était plus qu’un souvenir et les rues redevenues propres et encombrées de leurs promeneurs habituels.

Notre journée d’hier a été consacrée à la visite de l’île en scooter ! Finalement, nous adorons ce moyen de locomotion…Quand à la soirée, c’est sur un superbe catamaran que nous l’avons passée, invités à manger par Rainer et Claudine qui naviguent en Grèce depuis très longtemps sur ce bateau construit de leurs mains. 

Nous étions malgré tout heureux de poursuivre ce matin notre découverte des Sporades en quittant Skiathos sous voiles pour une navigation paisible, agrémentée par la pêche d’une très belle dorade coryphène qui fera notre repas du soir…    

 

Mercredi 3 septembre.

 

Nous profitons de la clémence du dieu Eole pour poursuivre notre incursion dans les Sporades. Pourtant, ce matin, après une nuit calme qui nous changeait de celles passées à Skiathos, nous hésitions à quitter ce petit paradis de la nature. Le bain du matin au levé du soleil, dans cette eau translucide, fut un éblouissement de bonheur aux senteurs méditerranéennes.

Nous venons de mouiller dans la petite baie de Votsi sur l’île d’Alonnisos, troisième des Sporades, après nous être fait violence durant toute cette navigation, pour ne pas nous arrêter à chaque crique rencontrée sur le parcours. Mais notre objectif est simple : aller le plus loin possible dans le nord de ces îles tant que les conditions le permettent. Il sera toujours tant de  flâner à la descente. Même si le meltem se réveille, il sera portant, et dans ce bassin relativement fermé, il pourrait devenir un partenaire appréciable ! 

Ce petit port naturel de Votsi est des plus calmes. Pas un seul voilier à l’ancre ! Seuls des bateaux de pêche sur corps morts se balancent doucement au gré de la faible houle qui pénètre à l’intérieur du bassin. Nous sommes ancrés sous la colline qui surplombe la baie, à l’ombre de ses pins majestueux, dans une eau si claire qu’il n’est pas utile de plonger pour vérifier la bonne tenue de l’ancre. Nous la voyons parfaitement par sept mètres de fond !

 

Jeudi 4 septembre.

 

Pelagos la sauvage ! Pas une habitation en dehors d’un monastère occupé par un seul moine et son gardien ! Réserve naturelle, l’île héberge l’une des dernières compagnies de phoques méditerranéens et des chèvres par centaines. Nous sommes tout au nord de l’île dans une baie complètement fermée, accessible  par un  étroit chenal difficilement visible depuis le large. Le contraste, passé ce détroit est saisissant ! Planitis nous réserve un de ces mouillages que nous affectionnons tant, calme et solitaire. Conditions idéales pour une soirée barbecue avec bonites au menu, produit de notre pêche de ce matin …La nuit nous enveloppe doucement de son manteau parfumé d’essences de pins et de garrigue. Les chèvres sur le rivage ponctuent le calme ambiant de quelques bêlements propices à la méditation. Le bonheur n’est pas loin de se trouver ici…    

 

Vendredi 5 septembre.

 

Partis tôt ce matin après une nuit d’un sommeil serein, nous quittons Plaitis pour une navigation le long de la côte est de Pelagos, profitant des conditions exceptionnelles nous permettant un arrêt dans la baie du monastère ! A peine sortie du mouillage que la ligne de traîne se tend. Il ne se passe pas un jour sans prise. Aujourd’hui, une belle bonite qui vendra  chèrement sa peau au détriment du moulinet rendu hors service !

La baie du monastère est un des lieus les plus extraordinaires que nous ayons visité en Grèce ! Découpée en forme de ballon de rugby dans la falaise, l’eau y est cristalline et encore une fois, nous sommes seuls au mouillage ! Des escaliers nous permettent d’atteindre un sentier muletier menant au monastère. En fait, une maison imposante avec cour intérieure, couverte de lauses, où trône en son centre une chapelle à la coupole bleue. Tout autour, une basse-cour avec poules, pintades et lapins surveillés de près par un âne curieux et très expressif ! Un seul moine et le gardien occupent l’endroit. Ce sont les seuls habitants de l’île. Malheureusement, la porte du monastère est close, et nous ne pourrons pas jouir de leur hospitalité légendaire. Qu’importe, la vue depuis ce promontoire, cent mètres au dessus de la baie, récompense allègrement les quinze minutes d’effort demandés pour cette ascension.

 

Samedi 6 septembre.

 

Nous venons de faire une pose déjeuner dans la baie de Stafilo sur la côte est de Skopelos et nous nous apprêtons à lever l’ancre pour rejoindre le mouillage extraordinaire de Panormou. La chaleur encourage à un dernier bain avant de partir. Installé sur la plage arrière du bateau, prêt à me mettre à l’eau, je distingue sous la surface la danse effrénée d’un banc de poissons impressionnants par leur taille. Je mets quelques instants a réaliser qu’ils se disputent les restes d’une bonite que Brigitte est entrain de préparer en marinade. J’attrape masque, palmes et fusil et me jette à l’eau. Incroyable ! Ce sont une cinquantaine de poissons que je n’identifie pas, mais qui ressemble un peu à des saumons. Mon intrusion les éloigne un peu, mais bien vite, leur ronde reprend autour de moi et je tire sur le plus proche. La flèche le transperce de part en part et il plonge immédiatement pour essayer de s’échapper. J’ai du mal à me maintenir à la surface, et si je n’avais pas eu l’échelle de bain à portée de main, je pense que j’aurais du abandonner le fusil. Plus de cinquante centimètres de long…très beau spécimen !

 

Dimanche 7 septembre.

 

Décidément, ce mouillage de Panormou ne nous lasse pas. Il est incroyablement beau, comme son île, que nous avons passé la journée à explorer en scooter. Les pins et les oliviers envahissent les pentes et descendent jusqu’à la mer. L’odeur est enivrante, jusque dans le bateau. Nous avons visité Skopelos, sa capitale, et s’est sans aucun doute le plus beau village grec que nous connaissions. Un charme fou avec ses ruelles pavées entrecoupées d’escaliers et qui plongent toutes sur le port. D’un blanc immaculé, avec leurs balcons de bois surplombants la mer et leurs portes et volets de couleurs bleus, verts ou bordeaux, on s’y sent bien, tout simplement ! Chaque quartier a sa chapelle et pas une ne se ressemble. Nous avons goûté dans une taverne, à un plat typiquement insulaire : l’exochiko ! Un feuilleté à la viande et aux petits légumes nappés de féta. Enfin un plat cuisiné grec original et divinement bon…Alors que nous déambulons dans ce décors d’opérette, une vieille femme, toute de noir vêtue, nous interpelle en anglais ! « Cherchons-nous un logement pour la nuit ? » Nous lui expliquons que nous logeons sur notre voilier. Elle insiste quand même pour nous faire visiter les chambres qu’elle loue dans la ruelle adjacente. Une étroite maison sur trois étages, avec escalier vertigineux qui dessert autant de petites chambres coquettes, chacune avec balcon et vue imprenable. Elle nous avoue qu’elle est veuve, mais on l’avait déjà compris, et qu’elle a quatre vingt ans cette année…Nous repartons avec son adresse en poche et un petit gâteau gentiment offert.

Ce soir, nous avons cuit au barbecue la moitié de ce poisson sans nom, mais néanmoins succulent, et cette dernière nuit sur Skopelos s’annonce sereine…

 

Mardi 9 septembre.

 

Nous faisons notre entrée dans le golfe de Volos après quatre heures d’une navigation idyllique, poussés par quinze nœuds de vent arrière et agrémentée encore une fois d’une belle prise. Décidément, les poissons abondent dans les Sporades et particulièrement ces superbes bonites.

Nous avions prévu de nous arrêter dans le port de Trikéri, mais entre le trafique des ferries et les nombreux corps morts qui encombrent la baie, nous avons préféré la beauté et la solitude d’une crique à proximité, oubliée des guides et parfaitement abritée.  Seul un  voilier est à l’ancre et a n’en pas douter, il s’agit d’un authentique joshua nommé Tamata ! Le pavillon est français, comme le capitaine solitaire, et je ne saurai jamais s’il s’agit de mégalomanie ou d’un simple hommage à Moitessier.

 

Mercredi 10 septembre.

 

Ancrés dans une baie décrite comme étant « idyllique » d’après le guide nautique nous savourons l’instant ! C’est d’ailleurs ce terme d’idyllique qui nous inspira immédiatement ! Il n’y a pas d’usurpation, le lieu est magique et visiblement délaissé des plaisanciers.  Nous ne somme que trois bateau à jouir de ce couché du soleil derrière les montagnes alors que nous dégustons notre ouzo journalier. Le matin nous verra réveillés au son des clarines des chèvres descendues sur la plage se désaltérer. La mer est plate et l’air est doux. Le bain matinal n’en est que plus agréable…

 

Lundi 15 septembre.

 

Après midi morose dans le port de Volos. Sans aucun doute le port le plus sale et le plus bruyant que nous ayons fait en Grèce. Il fait mauvais, une fois n’est pas coutume ! Nous sommes amarrés au quai de la ville depuis vendredi, un peu en retrait des bars restaurants du front de mer. Trois jours passés ici, car Volos est le point de départ idéal pour visiter la région des Météores distante de cent cinquante kilomètres tout de même. Nous avons loué une voiture pour l’occasion et nous ne regrettons pas le déplacement. Grandiose ! La journée de samedi a été consacrée a parcourir le site et a visiter chaque monastère perché sur son piton rocheux. Impossible de décrire toutes les richesses culturelles que contiennent ces bâtisses datant de plusieurs siècles. Fresques, icônes, bibliothèques dont certaines renferment des ouvrages du XIV siècle. Quand aux constructions elles mêmes, ce sont de véritables chef d’œuvres a l’architecture de génie ! Il faut souvent grimper des escaliers à flanc de falaise pour pouvoir les atteindre et il est difficile de s’imaginer les maçons et les tailleurs de pierres empruntant ces passages étroits chargés de matériaux.

Volos étant situé aux pieds d’une chaîne montagneuse qui culmine à plus de quinze cents mètres, il était tentant de partir faire une petite excursion rafraîchissante. A quelques kilomètres des plages, nous nous retrouvons en pleine montagne, dans un décor digne de l’Autriche par ses constructions et du Jura pour l’environnement. Des vieux villages abandonnés il y a quelques années sont devenus des lieux de villégiatures luxueux. Pas une demeure qui ne soit couverte de lauses et ici, l’eau est partout présente, dégringolant dans des caniveaux astucieusement construits à des fins d’irrigation. Une station de ski a été implantée sur le plus haut sommet et nous avons pu y découvrir un télésiège antique d’une seule place par siège ! Châtaigniers, chênes verts, platanes et arbres fruitiers…de partout la verdure sur ces montagnes douces.

 

Mardi 16 septembre.

 

Adieu Volos, port immonde. Nous te quittons sans regret ! Après la Sicile et la Calabre, s’il l’on devait établir une échelle de la saleté, la Grèce ne serait pas loin derrière. Aucune prise de conscience de la part du peuple grec en se qui concerne le respect de l’environnement. Il semble d’ailleurs que l’insalubrité ne les dérange guère car il n’est pas rare de voir des gens à la pêche au milieu des immondices ou allongés sur la plage parmi les sacs poubelles oubliés là ! La digue, où nous étions amarrés tous ces jours, étant le rassemblement des pêcheurs à la ligne et des promeneurs du soir, ressemblait le matin venu à un vaste dépotoir malgré les nombreuses poubelles présentes. Quand aux eaux du port, Casalibus en garde les traces à la ligne de flottaison. Encore quelques coups de brosse en perspective…

Nous sommes ancrés ce soir dans une baie naturelle où sont amarrées des barques de pêche. Les quelques maisons sur la rive sont toutes fermées et nous retrouvons enfin cette tranquillité tant aimée…

 

Jeudi 18 septembre.

 

Autant notre entrée dans ce golfe de Volos fût un enchantement quand aux conditions de navigation, autant les derniers jours de ce périple sont éprouvants. L’automne est bien là et le climat n’a plus rien à voir avec ce que nous avons connu depuis notre arrivée en Grèce. La polaire est de rigueur et la veste de quart indispensable pendant la navigation ! Près de vingt degrés perdus en quelques jours. Quand au vent, il est très changeant et il est difficile de choisir un mouillage sûr pour la nuit. Hier au soir, nous avons dut quitter précipitamment cet emplacement idyllique découvert l’après midi et devenu intenable en très peu de temps. Une forte brise a levé une houle impressionnante nous obligeant à appareiller. Toute la baie d’Amalioupolis était chahutée par la mer et nous avons pu nous infiltrer dans le minuscule port, invités à nous mettre à couple des trois bateaux d’excursion amarrés pour l’occasion. Seul inconvénient, nous devons partir à huit heures le lendemain matin, avant le départ des autres navires.

 

Dimanche 21 septembre.

 

Notre voyage retour vers Oropos, lieu d’hivernage de Casalibus, est terni par les dépressions successives qui affectent le nord de la Grèce. Du jamais vu depuis que nous avons quittés la France il y a quatre ans ! Pluie, vent et températures dignes d’un mois d’octobre en Chartreuse…

Sortis du golfe de Volos vendredi matin après une halte au port d’Ahilio dans la baie de Ptelou, nous avons gagné le port d’Orei où le mauvais temps nous a contraint a une journée cloîtrée à l’intérieur du bateau. Pluies incessantes toute la journée accompagnées d’un vent frais. Seize degrés à bord ! Ce matin au réveil, il pleut toujours, mais nous n’avons aucune envie de passer une nouvelle journée ici. La décision est prise. Nous partons ! Le vent de nord ouest nous est favorable et la pluie devrait cesser en cours de journée. Nous enfilons polaire et cirés pour une navigation humide mais rapide : fort courant portant et vingt nœuds de vent de travers. A l’abri sous la capote, la veille est presque confortable d’autant que le pilote assume totalement son rôle. Les prévisions pour le lendemain n’étant pas optimistes, nous décidons d’allonger notre navigation jusqu’à Limni, petit port sur la côte ouest d’Evia. Ce port n’est pas petit du tout ! Il est tout simplement minuscule…Une fois engagé à l’intérieur, nous constatons qu’il n’y a qu’un emplacement de disponible. Deux pêcheurs sur leur bateau nous confirment que la place est libre et que nous pouvons en disposer. Le prochain port étant à plus de deux heures de navigation, nous nous considérons comme chanceux… 

 

Lundi 22 septembre.

 

Khalkis ! Le retour et toujours sous la pluie. Nous venons de nous amarrer le long du quai, au nord du fameux pont mobile. Nous le passerons dans la nuit, mais les autorités sont incapables de nous donner un horaire, même approximatif. Nous devons rester en veille sur le canal 12 à partir de vingt deux heures.

Nous avons profité d’une éclaircie en fin de matinée pour quitter Limni par vent faible. La pluie ne nous a rattrapés qu’à notre arrivée, juste pour les manœuvres d’amarrage ! La chance nous a sourit pour effectuer ces vingt cinq mille de navigation et la pêche a été fructueuse. Trois belles bonites. J’ai bien peur de commencer à me lasser un peu de ce poisson… 

           

Mercredi 24 septembre.

 

Perché sur son ber, Casalibus s’aligne parmi ses confrères sur le chantier naval d’Oropos en savourant par avance ce repos bien mérité.

Nous avons passé le pont de Khalkis lundi soir à une heure finalement tout a fait correcte, vingt trois heures. Beaucoup moins de spectateurs qu’à l’aller compte tenu du temps peu engageant. Beaucoup moins de bateaux aussi et un certain relâchement des autorités qui négligent la règle de l’appel nominatif sur le 12… Nous ne nous engageons qu’après vérification sur notre guide nautique de la signification des signaux lumineux.

Après une nuit au mouillage dans la baie sud, c’est une matinée maussade qui nous surprend au réveil. La température n’incite guère au bain matinal…Cela me rappelle mon dernier bain ici, lors de notre précédent passage. Il faisait déjà très chaud à huit heures du matin lorsque je plongeais nu, comme à mon habitude, depuis la plage arrière du bateau. A peine sortie la tête de l’eau, je m’aperçois que le fort courant m’a déjà entraîné quinze mètres en arrière ! Je comprends vite que je dois déployer toutes mes compétences en natation si je ne veux pas émerger sur le quai de la ville en tenue d’Adam ! L’honneur fut sauf pour cette fois…

A sept heures et demie ce matin, après une dernière nuit passée au port d’halkoutsi, nous avons appareillés pour rejoindre la plage, face au chantier naval où l’on nous attendait avec la remorque. Ici, même principe qu’à Préveza l’an passé, le bateau est tiré hors d’eau sur un plan incliné à l’aide d’un robuste tracteur. La différence, c’est que cela se passe sur une plage peu abritée qui nécessite des conditions de mer très calme. D’où ce départ matinal, car les conditions météo restent médiocres pour les prochaines heures. La remorque de levage est immergée le plus loin possible, grâce à une rallonge de quinze mètres et elle nous est signalée par deux  perches. Il nous suffit de nous positionner au milieu et de nous avancer jusqu’à immobilisation du bateau sur la remorque. Casalibus est hissé hors de l’eau et remorqué à sa place d’hivernage. Assis dans le cockpit, nous regardons la rive s’éloigner…

 

Samedi 27 septembre.

 

Incroyable ! Voilà bientôt deux semaines que le mauvais temps s’est installé sur la Grèce. Du jamais vu de mémoire d’autochtone !

Nous avons profité de ce temps maussade pour partir deux jours à Athènes et visiter enfin l’Acropole. Et bien oui ! La démesure est au rendez-vous. Comment imaginer cette civilisation, vieille de deux mille ans, édifiant de pareils monuments où l’art et la culture semblent une priorité sur le fonctionnel. Ma réaction peut paraître primaire, mais lorsque je fais le rapprochement avec la place qui est laissée aujourd’hui à l’art dans l’urbanisme…

Ces deux jours ont été riches en découvertes et en surprises. Alors que nous étions attablés à la terrasse d’une taverne fort sympathique aux pieds de l’Acropole, Brigitte reconnaît les silhouettes de Christiane et Philippe, rencontrés dans le golfe de Patras au mois de juillet, parmi la foule qui défile devant nous! Les retrouvailles sont chaleureuses et nous finissons la soirée ensemble, nous narrant mutuellement nos navigations respectives… Nos routes se recroiseront peut être un jour, sur mer ou sur terre…

 

Lundi 29 septembre.

 

Toute la journée, la pluie a accompagné nos préparatifs d’hivernage de Casalibus. Il faut jongler avec les averses pour sortir ou rentrer le matériel. Le chantier naval est devenu un champ de boue et cette fois, il nous tarde de partir ! Dire que des gens passent l’hiver ici sur leur bateau…

Demain, ce seront les derniers préparatifs, bagages pour nous, mise en place des bâches d’hivernage pour notre voilier. Notre voilier ! Celui qui nous mène depuis quatre ans de mouillages en mouillages, de ports en ports, qui nous fait découvrir le monde, les paysages et les gens. Qui ne nous a jamais fait faut bon, même, et surtout dans les coups de chien.

Encore une fois, je le quitterai serein, des souvenirs plein la tête pour mes futures rêveries hivernales en Chartreuse.

 

Evia et les Sporades du nord

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